vendredi 17 février 2017

Haussmann : what else ?

Je souhaiterais, pour le fun et le débat, apporter une petite touche contradictoire dans la "Haussmann-mania" qui s'est emparée de la blogosphère (et plus encore) depuis l'ouverture de la très sérieuse exposition traitant des vertus du bâti du célèbre baron aux rouflaquettes, au Pavillon de l'Arsenal (pour ceux qui l'ignoreraient, les rouflaquettes, ne sont pas une salle spécifique de l'Arsenal, mais cette arrogance pileuse en vigueur sous le second Empire).

Les commissaires scientifiques, Umberto Napolitano et Franck Boutté, prêtent à cet haussmannisme, avec force démonstrations chiffrées, statistifiées, numérisées, diagrammisées, toutes les vertus du "durable" - et mieux de la résilience (mot à la mode actuellement, certainement pour conjurer sa faiblesse dans notre mode de vie actuelle) - que nous autres concepteurs d'aujourd'hui tentons péniblement d'apporter dans nos constructions, à grand renfort d'artifices souvent technologiques, alors qu'il suffit de prévoir des arrières-cours sombres et plutôt odorantes des vapeurs grasses de la cuisine bourgeoise, une incontournable distribution en enfilade de pièces hiérarchisées, et en parement, une pierre qui n'existe plus, pour se rire des labels et autres certifications environnementales dont la réglementation - à défaut d'une prise de conscience responsable - nous accable. 
Il faudrait aussi resituer l'action du baron Haussmann dans son contexte historique ; comment en effet s'en abstraire quand on envisage une analyse d'une telle ampleur ; quand simplement on s'emploie à traiter de la matière architecturale et urbaine du passé ? Alors, le visiteur passionné se rappellerait que les leviers de l'autocratie et des puissances financières d'un 19ème siècle parfaitement inégalitaire et riche de ses gisements coloniaux, furent les outils indispensables à l'édification de la rue de Rivoli, de l'avenue de l'Opéra, à tous ces percements qui, s'ils offrent à Paris des perspectives urbaines impériales,  contribuèrent autant à la qualité hygiénique de la ville qu'à la faculté pour les forces de police de charger les fauteurs de troubles, dont la troupe était composée majoritairement d'expulsés des quartiers hausmmannisés, ou tout du moins de sympathisants de ces derniers.
Je n'aime pas les nivellements de corniches d'une rue de Rivoli dont le rythme mécanique trouve, dans l'accumulation de boutiques à touristes ou d'enseignes d'une société ultra consumériste, une échappatoire dérisoire à sa monotonie génétique, autant que générique . 
J'aime la sédimentation baroque, approximative, fantasque des quais de Seine du côté de Saint-Germain ; j'aime le maladroit d'une surélévation hors gabarit ; j'aime les coins de campagne oubliés des quartiers épargnés par les démolisseurs du baron ; l'industrie dans la ville et la vraie générosité qu'offre ses espaces ; je me régale de ces immeubles qui prêtent une délicate attention aux arts plastiques ; je me réjouis des facades d'un Anger-Puccinelli qui vous sculpte l'espace et l'alignement avec une matérialité étonnante. En somme, je suis un indécrottable romantique ; ce qui ne s'accorde pas ou peu avec une doxa impériale.

J'aime être surpris et le néo-haussmanien avec ses catalogues de cariatides, de ferronneries, de mascarons prêt-à-l'emploi, m'ennuient au final, comme la gamme Ikéa du prêt-à-penser décoratif. 
Enfin, je ne suis pas certain qu'un Eupalinos eut classé les œuvres du baron dans ces bâtiments qui chantent, mais je le crois plutôt enclin à les reléguer dans la catégorie des muets.
Avec tout mon respect et mon admiration pour la qualité du travail réalisé par les commissaires (et amis), et aussi une pensée pour leurs troupes sans lesquelles (selon la formule consacrée) rien de tout cela n'aurait pu exister.

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