mercredi 25 janvier 2017

Le Grand Paris

Le titre du roman d'Aurélien Bellanger, pour quiconque porte un regard autre que distrait sur les questions relevant de l'urbanisme et de l'architecture en général, et du "Grand Paris" en particulier, résonne comme un appel irrémissible, une injonction, à son acquisition ; laquelle fut accomplie sans délai, aiguillonnée par "Le Moniteur" qui lui consacrait une page entière, et la perspective d'une rencontre prochaine avec l'auteur, une première fois à la remarquable librairie "Les Mots et les Choses", domiciliée à Billancourt, et une seconde à la Cité de l'Architecture. 
475 pages plus tard, nos attentes se sont-elles muées en une épiphanie à l'hybris recommandable ? Un doute subsiste lié à trois choses : 
- une relative déception de ne pas avoir été conduit pas à pas, comme dans "La Grande Arche" de Laurence Cossé, dans la fabrication de ce projet à la lumière des enjeux urbains, architecturaux et techniques qu'il mobilise, plus près des artisans - architectes et ingénieurs - de sa concrétisation ; 
- une écriture inutilement complexe par endroit qui, pour riche qu'elle est reste contaminée par un vocabulaire emphatique, et fait penser in fine à ces menus-dégustation d'une sophistication extrême au milieu desquels votre imaginaire se contenterait avec félicité d'un plat simplement roboratif ;
- une troisième partie aux tendances "houellbecquiennes" qui s'égare aux confins de l'aphélie dans les méandres probablement machinelien de considérations oiseuses sur l'islam.
Et pourtant, pourtant, ce livre est attachant. Il y a tout à la fois des fulgurances, de l'humour (les entretiens avec le "Prince"), incontestablement une langue riche (trop de notes ?), un détachement critique (les écoles de commerce, la vacuité du monde politique), de la tendresse mélangé à de la solitude.
Aurélien Bellanger prend le risque de s'attaquer à la forteresse "architecture et urbanisme" qui, en France, tolère peu d’immixtion dans son monde auto-proclamé "affaire d'experts", tout en pleurnichant sur le peu de considérations dont lui témoigne les "non-architectes" (terme ségrégationniste qu'un ténor dudit monde m'avait attribué jadis, lors d'un échange, oubliant certainement la parole de son mentor, Le Corbusier : "L'architecture c'est une tournure d'esprit, et non un métier"). 
Tout ceci compose un cocktail brillant dont il est difficile de s'extraire malgré les exercices obligés d'exégèse auxquels le lecteur doit se soumettre.
* en italique quelques termes savants du vocabulaire d'Aurélien Bellanger

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire