vendredi 30 décembre 2016

"Chanson douce" est une de mes chansons préférées d'Henri Salvador. Le roman de Leïla Slimani, Goncourt 2016, reprend ce titre pour nous conduire dans un univers aux antipodes de celui de la berceuse du regretté chanteur antillais.
Je dois avouer ne pas être adepte de la lecture de la fin d'un livre avant d'en avoir parcouru l'intégralité des chapitres. Or, il suffit de lire les trois premières pages de "Chanson douce" pour être averti du cauchemar que les 224 suivantes vont s'employer à distiller par petites touches vénéneuses. Ce n'est pas mal écrit, bien sûr, et la névrose de la baby-sitter - une mélancolie délirante - a quelque chose de celle du locataire du film éponyme de Polanski. Autant dire que l'on sort de ce roman mal à l'aise.
Il est évident qu'on ne le recommanderait pas aux jeunes mères obligées de confier leur progéniture à une nounou ; surtout si celle-ci présente les meilleures références !
Voilà une lecture qui pourrait nous conduire à instaurer la suspicion comme ligne de conduite. Nous n'en ferons rien ! Comme l'architecture, la littérature est la volonté d'une époque, non pas traduite en espaces, mais en mots et en phrases. Quoi dire d'autre ?


mercredi 28 décembre 2016

Numéro 11

Dernier roman en date de Jonathan Coe, l'auteur de "Testament à l'anglaise" ou du délirant "La vie très privée de Mr Sim" dans lequel un VRP tombait amoureux de la voix de son GPS, "Numéro 11" se lit comme une succession de nouvelles dont le fil conducteur est le chiffre 11 (clin d'œil au numéro de la résidence du premier ministre anglais), comme autant de récits mettant en scène une petite dizaine de personnages dont les destins se croisent au gré de l'imagination de Coe.
Au fil des 444 pages du roman (l'éditeur, Gallimard, se serait-il aussi pris au jeu du chiffre 11 ?), l'auteur met en place un puzzle jubilatoire et grinçant qui compose en final un tableau représentatif d'une Angleterre où les ultra-riches vivent dans un quant-à-soi d'exclusion, 
Jonathan Coe s'applique à souligner l'absurdité, le dérisoire, et même le tragique d'un monde basé sur la télé-réalité, l'addiction aux réseaux sociaux, ou les manies des tenants d'une nouvelle aristocratie dont les codes sont exclusivement basés sur l'argent. Mais il sait aussi évoquer la profondeur et une certaine beauté intérieure de valeurs comme la solidarité, la connaissance, les liens familiaux ou d'amitié des gens "ordinaires".  
Composé comme un roman policier avec un suicide à résonance politique dès les premières pages et une série de disparitions mystérieuses dans les derniers chapitres, le livre s'achève sur une phrase simple et puissante à la fois, à méditer en ces temps de déresponsabilisation généralisée : "Au bout du compte, je crois, nous sommes tous libres de nos choix."