samedi 26 décembre 2015

Impliquons nous

Résultat de recherche d'images pour "impliquons nous acte sud"
Dans ce petit ouvrage paru aux éditions Acte Sud et que le Père Noël a gentiment déposé dans ma chaussure, Edgar Morin dialogue avec l'artiste plasticien Michelangelo Pistoletto à propos du monde tel qu'il est et tel qu'il devrait être, à grand renfort d'une espérance dont les ressorts sont l'éducation, la solidarité, la responsabilité, le réveil des consciences, l'universalité de nos valeurs humanistes, le pluriculturalisme, etc. Pistoletto met en avant sa praxis de sa Cittadellarte, lieu de création de ce monde nouveau que les deux protagonistes appellent de leurs vœux. Le sociologue, chantre d'une nouvelle Renaissance, reste sur ses positions païennes quand le plasticien bricole avec le symbolisme du paradis et de la pomme, pour des raisons qui frisent le marketing.
Il y a plein de bonnes intentions dans ce petit ouvrage, mais ne pavent-elles pas, si ce n'est l'enfer - ce serait injuste - du moins une bonne conscience qui aura du mal à susciter la dynamique de l'engagement qu'elle voudrait mettre en marche. Le propos balaye tout un tas de sujets qui mériteraient davantage de matière que cette impression de "Yakafaucon" qui s'en dégage trop souvent.
L'échange évoque la perte de repère de nos contemporains à qui les médias font un jour l'éloge de l'artichaut, le lendemain celui de la carotte, et le surlendemain celui de la betteraves ... mais en passant du coq à l'âne, ne risque-t-il pas de laisser le lecteur en proie à une certaine confusion ?
Sans doute aurais-je pu être plus sympathique à l'égard de ce témoignage. Mais voilà, j'ai ressenti souvent le risque (encore !) d'amener le lecteur vers la piste du complot plus que vers une éthique de conviction ! 

lundi 14 décembre 2015

Elections

Lendemain de "régionales". Le navire France a failli sombrer. L'équipage hétéroclite s'emploie à écoper. Les venues d'eau furent monstrueuses. La coque est fragile et pour longtemps. Les pirates, cette fois, ont été repoussés. Mais ils reviendront car ils savent à présent leur proie à portée de mains ; les mêmes mains qui portent des petits bulletins de vote dans l'urne d'une démocratie fêlée. La France est d'extrême droite, ou presque ! Qui l'eut cru il y a encore 10 ans, à une époque - pas si lointaine - où se revendiquer raciste était une honte ? Nous pensions alors qu'il était impossible d'espérer dans l'avenir sans lutter contre l'exclusion. Nous pensions qu'il était impensable de haïr au prétexte de la religion ou des origines. Nous pensions notre pays fier de se voir comparer à une terre d'accueil. Nous pensions que l'immigré contribuait à notre richesse. Nous pensions qu'il était possible de vivre en paix par la tolérance. Nous pensions qu'il était possible d'être généreux sans être moqué. Nous pensions, mais en réalité nous rêvions.

Hommage à Pierre Drachline

Afficher l'image d'origine

Il se trouve que j'ignorais, il y a encore quelques minutes, qui pouvait être ce Monsieur Drachline, dont le nom résonne comme un nom de code. Cette ignorance constitue une occasion formidable de lui rendre un vibrant hommage. Pierre Drachline - je veux dire sa photo - repose à présent juste à côté de moi, et je dois avouer que son regard un peu triste cerclé de lunettes banales à montures métalliques, ses longs cheveux raides autant qu' anachroniques, sa gorge molle, son pif protubérant armé d'une verrue exhibitionniste, tout cet assemblage qui constitue un visage unique m'est assez sympathique. On peut dire que Pierre Drachline a raté pas mal de choses dans sa vie ; tout du moins si l'on considère que la réussite matérielle constitue une référence digne d'intérêt. Mais on peut aussi penser qu'il a merveilleusement réussi l’essentiel :le pari de l'authenticité, c'est à dire cette disposition rare consistant à vivre, sinon en paix, du moins en cohérence avec ses idées ; lesquelles sont souvent des emmerdeuses qui nous conduisent dans des situations impossibles loin de la quiétude des postures dociles et asservies.

jeudi 8 octobre 2015

Longtemps je me suis couché tard. Nous étions alors deux. Je suis à présent seul. La vie s'enfuit comme un filet d'eau qui s'épuise sur le sable. Bientôt mes amis ne seront plus là ou je ne serai plus auprès d'eux. Un souvenir subsistera-t-il de nos instants de vie délicieux ? Sous le ciel de la nuit et le champagne des étoiles, quand une musique fidèle nous enivrait. Nous éclairions l'obscurité de quelques flammes courageuses dont la danse prudente se reflétait sur le galbe luisant de nos verres. Qu' importaient la fortune ou la reconnaissance ? Nous nous considérions en héros. L'herbe fraîche sous nos pieds nus. Le vol désordonné d'un papillon portera à jamais le souvenir de nos vies oubliées.

samedi 3 octobre 2015

Au fil du numéro daté du samedi 3 octobre 2015 du journal "Le Monde"

Avant-propos : ci-dessous exercice consistant à extraire de courts morceaux choisis d'un journal afin de tenter de révéler un aspect de notre quotidien

Expositions : la tentation du blockbuster : "Dans les années 70, les salles de cinéma d'art et d'essai, en province notamment, n'avaient qu'une solution pour survivre à la désaffection des spectateurs : projeter une oeuvre difficile en alternance, une semaine sur deux, avec un film pornographique. Le second finançait les pertes du premier. En sommes nous là avec les grandes expositions ?"
Les énigmes de la croissance : "Si on observe la façon dont l'innovation d'un côté (...) et l'inégalité extrême de l'autre (...) ont évolué aux Etats-Unis depuis 1960, ont est frappé par la similarité des courbes (...). (...) L'inégalité générée par l'innovation est de nature temporaire. (...) Le lien entre innovation et destruction créatrice génère de la mobilité sociale : elle permet à de nouveaux talents d'entrer sur le marché et d'évincer les firmes en places (...). Philippe Aghion. Nouveau titulaire de la chaire "Economie des institutions, de l'innovation et de la croissance" au Collège de France.
Tente-deux usines perdues en six mois : Mois après mois la désinsdustrialisation de la France se poursuit, en dépit des efforts des pouvoirs publics. (...) Depuis le début de la crise en 2009, la france compte désormais 630 usines de moins.

samedi 15 août 2015

Lettre à France Cavalié suite à la lecture de son roman "Baïnes"


Chère Madame,
Je viens de refermer "Baïnes" que j'avais acquis un peu par hasard au salon du livre du Bois Plage, il y a quelques jours. J'avais été attiré par le titre de votre ouvrage. Il existe des baïnes ailleurs qu'à Biarritz, mais en le feuilletant, je suis tombé sur la page 162 : "Le ciel immense de la Côte des Basques n'est pas assez grand pour me donner de l'air, j'étouffe devant la plus belle vue du monde ..." ; il n'y avait plus de doute : fréquentant Biarritz depuis plus de 30 ans et amoureux de la Côte des Basques, je devais repartir du salon avec ce livre.

jeudi 4 juin 2015

Je n'ai donc rien publié depuis le 14 février dernier ; presque 4 mois !
"Brazzaville plage" refermé, j'ai bien envie d'écrire quelques lignes sur ce roman qui m'a passionné. Je ne vais pas raconter l'histoire (car ça ne se fait pas, tout du moins ici) mais juste indiquer au lecteur potentiel que c'est un livre qui parle de chimpanzés, de mathématiques, de mercenaires, d'une guerre d'indépendance en Afrique avec ses factions rivales, d'hommes engagés et bornés, d'éthologie, etc., tout ça dans des paysages africains et écossais (aux antipodes), et dans un style remarquable.
Le récit est ponctué de flash-backs qui rythme parfaitement la narration. Hope, l'heroïne, interroge sa vie sous l'égide de Socrate qui entame le livre et le conclut avec cette très belle phrase : "La vie qu'on ne soumet pas à l'examen ne mérite pas d'être vécue."
Morceaux choisis :
"Je m'arrêtais pour sentir l'Afrique à pleins poumons - sentir la poussière, la fumée des feux de bois, un parfum de fleur, une odeur de moisi, un relent de pourriture." Pour qui est allé en Afrique noire, cette description est d'un réalisme absolu.
"Mais son défaut majeur (au calcul), il me semble, c'est de ne pas pouvoir faire face au changement brusque, cet autre trait commun à nos vies et a l'univers. Tout ne se déplace pas par degrés, tout ne monte pas ni ne descend comme des lignes sur un diagramme. Le calcul exige la continuité. Le terme mathematique pour changement abrupt est "discontinuité". Et là, le calcul n'est d'aucune utilité. Il nous faudrait quelque chose pour nous aider à nous en sortir dans ce domaine."

samedi 14 février 2015

Collaboration architecte-ingenieur

Paroles de Peter Zumthor :
A propos de la chapelle Sainte Bénédicte : "D'abord dessinée à main levée, la forme fut finalement ramenée par notre ingénieur Jurg Conzett à la forme géométriquement définie d'une lemniscate, celle d'un huit couché."
A propos du Pavillon de la Suisse pour l'expo de Hanovre : "L'ingénieur Jurg Conzett m'a aidé à développer un système de précontrainte permettant de plaquer la construction en madriers empiles contre le sol. Les pièces humides en bois fraîchement coupé ont ainsi pu sécher et perdre de la hauteur sans que la construction ne bouge."
Sur la salle de spectacle à Isny im Allgau en Allemagne : "Avec l'ingénieur Schwartz, nous avons développé le concept statique d'une tour formée par trois pieds qui se rejoignent vers le haut dans une grande coque en verre contenant un espace sphérique.(...) L'ingénieur Matthias Schuler nous a indiqué des solutions très innovantes pour refroidir et chauffer des structures en verre sans gaspillage énergétique."

lundi 5 janvier 2015

"Pas pleurer" de Lydie Salvayre


Je crois me souvenir qu'un des jurés du Goncourt, questionné sur la "short-list" du dernier tour, avait fait au journaliste une réponse assez proche de celle-ci  : "Maintenant que mon livre favori n'a pas été retenu, il faut penser à la responsabilité que nous avons car le Goncourt est un prix populaire et il sera lu par un grand nombre de personnes qui ne lisent qu'un livre dans l'année ..."
Outre "Pas pleurer", je n'ai lu de cette ultime liste que "Meursault contre enquête" (cf article dans le blog). "Pas pleurer" est déroutant dans ses premières pages ; il est difficile de comprendre le décalage entre le langage parlé par Montse, une vieille dame nonagénaire (qui se trouve être la mère de la narratrice) qui s'exprime dans un français très approximatif sur la base de mots et de raisonnements plutôt sophistiqués. On ne comprendra que plus tard la raison de cette étrangeté. 
Au fil des pages, on se laisse prendre à l'histoire tragique de cette femme issue d'une famille dans laquelle la "pauvreté (est) transmise intacte depuis des siècles", et qui n'aura connu du bonheur que cette parenthèse des quelques jours d'euphorie d'août 36 à Barcelone, où "les passants (...) s'embrassent sans se connaître, comme s'ils avaient compris que rien de beau ne pouvait advenir sans que tous y eussent leur part", où elle "a le sentiment de découvrir à quinze ans la vie qu'on lui avait cachée". 
Les personnages qui gravitent autour de Montse ont tous des caractères bien trempés (à l'exception de son beau-père - don Jaime - qui incarne finalement (paradoxalement ?) une certaine force tranquille parvenant à concilier le statut d'aristocrate de province et des aspirations plutôt libérales inspirées par ses lectures). Son père a l'esprit borné, lui "qui n'est jamais sorti de son trou, qui ne sait ni lire ni écrire, et qui a gardé (...) une mentalité d'arriéré" comme le dit José. Lui, c'est le frère aîné de Montse, exalté par la cause anarchiste, qui "incarnait la poésie du cœur", en rivalité absolue (est-il capable d'un autre degré dans ses sentiments ?) avec Diego, le mari de Montse, qui "incarnait la prose du réel".
José est rétif à toute forme de hiérarchie et d'ordre établi ; il préfère "mille fois le chaos et la fragilité qui nait". Diego se glisse progressivement et naturellement dans les habits de l'apparatchik maniaque, soumis à l'idéologie stalinienne jusqu'à la caricature.
Les rapports entre les deux hommes incarnent l'affrontement terrible entre les factions rivales qui connaîtra son dénouement sanglant de mai à août 37 avec la liquidation du POUM par les sbires de Staline.

En toile de fond, Lydie Salvayre, rappelle les positions de plusieurs écrivains célèbres, dont Bernanos, Gide et Claudel, face au drame de la guerre civile espagnole. Elle ponctue le récit de Montse et les interventions de la narratrices par des scènes de la vie de Bernanos, alors qu'il s'est retiré avec sa famille à Palma de Majorque, et que l'écrivain, profondément catholique et conservateur (ex maurassien), ne peut supporter le spectacle des atrocités perpétrées par les phalangistes et surtout la lâcheté et la complicité du clergé. "Il y a quelque chose de mille fois pire que la férocité des brutes, c'est la férocité des lâches", dit-il. Elle emprunte également à l'auteur du livre "Les grands cimetières sous la lune", plusieurs phrases phrases admirables et en particulier une qui peut s'appliquer à d'autres terreurs : "La raison, l'honneur les désavouaient ; la sensibilité restait engourdie, frappée de stupeur. Un égal fatalisme réconciliait dans le même hébètement les victimes et les bourreaux." (à propos des exactions des "nationaux").
Et cette autre phrase transposable dans notre monde contemporain :  "Je crois que le suprême service que je puisse rendre à ces derniers (les honnêtes gens) serait précisément de les mettre en garde contre les imbéciles ou les canailles qui exploitent aujourd'hui, avec cynisme, leur grande peur."
Ces interruptions du récit de Montse apportent du rythme à l'écriture autant qu'une perspective historique.  
"Pas pleurer" (titre curieux : pourquoi pas plutôt "No es una vida" ?), traite de thèmes à la fois intemporels et d'actualité :
- la soif d'idéal ou d'utopie attachée à la jeunesse ; le message est plutôt pessimiste ici puisque c'est les forces réactionnaires qui triompheront (encore ?)
- la barbarie qui n'a pas de camp
- la manipulation des masses (cf citation de Bernanos)
- le nationalisme qui dresse les hommes contre d'autres hommes
- l'exploitation des pauvres par les riches et la lutte des classes avec les compromissions des institutions
- la soumission,
- la lutte pour le pouvoir,
- etc.
En final, "Pas pleurer" est un roman fort, riche, émouvant, avec le récit du destin de cette femme prise dans les bouleversements de l'Histoire ; la fin d'une époque séculaire où l'ordre des choses semblait figé pour l'éternité, et l'entrée dans le monde "moderne" par l'épreuve d'une guerre civile particulièrement atroce, annonciatrice d'une apocalypse plus terrifiante encore.



samedi 3 janvier 2015

Passerelles de Jurg Conzett : quand ouvrage rime avec art

Jurg Conzett, né en 1956, est un Ingénieur suisse. Un très grand ingénieur. 
Désirant travailler avec des architectes, il a voulu comprendre "de l'intérieur" ce que représentait un projet architectural. Après ses études à l'EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne), il est entré dans l'agence de Peter Zumthor* pour une année qui s'est prolongée ... 7 ans ! Au terme de cette expérience, Jurg Conzett a fondé son bureau d'études techniques qui s'est illustré - principalement mais non exclusivement - dans la conception d'ouvrages d'art d'exception. Le terme "exception" n'est pas pris au sens grand, démonstratif, record ou performance. Si, peut-être, performance : celle de l'intelligence constructive. Le travail de Jurg Conzett s'inscrit dans la tradition d'ingénieurs (ou s'agissait-il d'architectes ?) tels que Brunelleschi (1377-1446) ou Bramante (1444-1514). 
Les deux ouvrages présentés ici sont situés dans les gorges de Via Mala un peu après la petite ville de Zillis dans les Grisons ; il s'agit de la passerelle dénommée Punt da Suransuns réalisée en 1999 et de la Passerelle de Traversina II réalisée en 2005. 
La particularité de l'ouvrage réalisée en 1999 est qu'il est constitué de plaques de gneiss post-contraintes. Sa portée est de 40 m. 
La seconde passerelle est un pond suspendu à haubans. Sa portée est de 56m. 
En réalité, la particularité commune à ces deux passerelles est leur extrême finesse et leur beauté plastique. 
* L'un des plus grands architectes actuels

Pour en savoir plus, article d'Yves Pages d'Exploration Architecte :
http://www.pierre-contrainte.net/interactif/article.php3?id_article=43
Punt da Suransuns (Copyrignt CL)

Punt da Suransuns (Copyright CL)

Punt da Suransuns (Copyright CL)


Traversina II
Traversina II (Copyright CL)