jeudi 31 mai 2012

Le mode interrogatif (de Pergame)




Les intermittents du spectacle sont-ils des assistés ? La réciproque est-elle vraie ? Dans la mesure où vous considérez que nous sommes totalement enlisés dans la Société du Spectacle, saisissez-vous mieux la pertinence de la réciproque ? L’écoute soudaine des cours de bourse à la radio vous donne-t-elle instantanément une poussée d’urticaire, ou vous fait-elle penser qu’en France on détecte 1500 cancers de testicule par an, et plutôt chez les hommes de moins de quarante ans ? Le fait de ne pas calculer vous-même vos impôts et de sous-traiter cette corvée citoyenne à votre femme participe-t-il de votre engagement féministe ? A l’appui de votre argumentation, déclamez-vous annuellement ces vers de Molière : « Mais de l’argent dont on voie tant de gens faire cas, pour un vrai philosophe a d’indignes appas » ? Défilez-vous régulièrement le 1er mai ? Défileriez-vous plus souvent s’il existait plusieurs 1ers mai dans l’année ? Connaissez-vous un ingénieur qui ne soit pas un geigneur ? La réponse « C’est sans souci » de votre dentiste qui aurait décidé de vous extraire une molaire sans anesthésie vous fait-elle penser instinctivement à Marathon man ? Considérez-vous que vous aimez les madeleines plus, moins,  ou au moins autant que Proust ? Trouvez-vous légitime que l’on fasse tout un plat de cette histoire de mémoire enfouie, puis retrouvée, à l’occasion d’un  simple goûter un peu chochotte ? Si vous tentiez d’écrire quelque chose de comparable – du moins dans la démarche – en substituant à « madeleine », « Ovomaltine », « Roudoudou », ou « Pam-Pam », auriez-vous enfin une chance d’entrer dans la postérité littéraire ?

Blogueur sans bagage

A saluer aujourd'hui 3 blogueurs malgaches et 1 blogueur congolais qui sont venus se perdre dans les mailles du filet d'Everybody Knows !
Vive le continent africain !

mardi 29 mai 2012

L'édition du LEXICAL 2012 est dans les bacs !

Aussitôt sorti de presse et aussitôt introuvable !
Mais on peut faire un effort pour vous, seulement si vous le demandez gentiment !
Parmi les nouveautés :
- Calot
- Cerceau
- Crapia
- Cuter
- Dodo la Saumure
- Endé
- Foy's
- Fumantes, .... etc.

Et surtout une version augmentée et enrichie que la critique a unanimement saluée comme un possible chef d'oeuvre à confirmer.

Monumenta... Pschitt !

 Une Monumenta qui fait "Pschitt", autant par les couleurs acidulés des parasols en plastique qui composent "l'oeuvre", que par le peu d'émotions qu'elle suscite. Où sont les correspondances entre l'écrin et son contenu temporaire ? Suffit-il de tenter d'ordonner des disques de couleur bleu, vert, jaune et rouge-orangé selon un algorithme arabe ancestral pour constituer une œuvre qui dialogue (voire s'oppose) avec les volutes académiques du Grand-Palais ? On retiendra les effets impressionnistes, et les moucharabiehs d'ombres élémentaires dessinés sur le sol par grand soleil ; et puis après ? Des effets plastiques, de surface, mais on cherche une profondeur (malgré des rendus photographiques assez aguicheurs).  

jeudi 24 mai 2012

Le mode interrogatif architectural

Petit texte rédigé à la manière de « Le mode interrogatif » de Padgett Powell paru aux éditions La contre-allée ; ouvrage de 232 pages exclusivement composé de questions.

Diriez-vous, avec Giancarlo di Carlo, architecte, enseignant et théoricien de l’architecture que « l’architecture est trop importante pour être laissée aux seuls architectes » ? D’une façon plus générale, trouvez-vous qu’il est souhaitable de confier aux seuls experts des domaines entiers relevant soi-disant de leur seule expertise, ou bien pensez-vous – comme Alberti, l’auteur de « De Aedificatiria » - et selon l’analyse du critique d’architecture Jean-Pierre Le Dantec, que « le jugement des experts (periti) souvent égaré par un désir effréné d’édifier (libido oedificandi), ne peut se passer de celui des non-experts (imperiti) » ? Comment définiriez-vous un « grand architecte » ? Pensez-vous que l’architecture et la littérature constituent des modes d’expression présentant un certain nombre de similitudes ? L’architecture n’est-elle pas également, ou plutôt, proche de la musique ; à cet égard partagez-vous le point de vue de Goethe qui qualifiait l’architecture de « musique silencieuse » ? 
Que vous inspire les paroles de Mies van der Rohe prononcées un peu avant la seconde guerre mondiale : « Il est important pout toutes époques, y compris la nôtre, de donner à l’esprit l’occasion d’exister » ? Diriez-vous qu’il a été entendu ? Pensez-vous que notre époque partage cette conviction ? Peter Zumthor, Pritzker Price 2009, indique dans un récent entretien : « "L'esprit du temps est un thème qui ne m'intéresse pas. Je veux seulement construire de bons bâtiments. Je travaille avec des émotions, avec des intuitions. Avant d'être construits, les bâtiments sont des images. (...) C'est absurde, mais une sensation est déjà presque une image." Pourriez-vous citer les trois dernières œuvres ayant reçu le Prix de l’Equerre d’Argent ? Quels sont les trois bâtiments de l’architecture contemporaine que vous estimez être les plus remarquables ? Pensez-vous qu’il faille opposer l’architecture classique à l’architecture contemporaine ? L’ornement est-il un crime ? L’architecture est-elle un « art contaminé » comme l’affirme Renzo Piano ? Etes-vous un fervent partisan de la « fonction oblique » ? 
Partagez-vous le point de vue suivant de Rudy Ricciotti, Grand Prix National d’Architecture 2006 : "Travailler ne doit pas humainement se limiter au fait d'échanger de l'argent contre du temps de vie perdu et sans qu'il y soit jamais utilisé la faculté d'invention personnelle. » ? Savez-vous que le doyen des grands architectes est le brésilien Oscar Niemeyer, qu’il est âgé actuellement de 104 ans, qu’il continue de travailler chaque matin à son bureau de Copacabana, et qu’il s’est marié il y a quelques années (à seulement 99 ans) avec sa secrétaire, une toute jeune sexagénaire ? Auriez-vous une idée pertinente pour utiliser la Halle Freyssinet dans le 13ème arrondissement, œuvre industrielle de l’inventeur du béton précontraint, qui vient récemment d’être inscrite au titre des monuments historiques ? Partagez-vous le point de vue de Jan Kaplicky, architecte-leader de l’agence Future Systems qui déclarait : « L’architecture est essentiellement un art, mais le meilleur ingénieur de chez Boeing est aussi un artiste. » ? Et celui de Jean Prouvé qui disait qu’ « une poétique de la construction est différente d’une passion de la technique » ? 
Si j’avais deux livres sur l’architecture à vous conseiller, accepteriez-vous que ça soit « Architecture et modestie », actes d’une rencontre tenue au Couvent de La Tourette en 1996,  et « Penser l’architecture » de Peter Zumthor ?
Nota : pour les orbites cruelles (et soupconneuses), les photos n'ont pas de rapport direct avec le texte. De haut en bas : chantier de la Fondation Louis Vuitton visible au commun des mortels depuis l'extérieur, un pavillon délabré à St Jean Cap Ferrat, et l'ensemble particulièrement bien réussi du collectif Plan 01 dans la ZAC de la Semapa derrière la Bibliothèque François Mitterrand.

Petite histoire d'une église orpheline de son clocher depuis 50 ans

 Ezy-sur-Eure est une petite commune de Normandie à quelques encablures du très beau château d’Anet, certainement prédestinée à accueillir le célèbre Musée du peigne puisque l’une des grandes familles gouvernantes d’Ezy fut très tôt (12ème siècle ?) les DES BROSSES.
Mais ce qui fait l’intérêt d’Ezy-sur-Eure pour le lecteur attentif, amateur d’architecture moderne et contemporaine, c’est l’église Saint André, œuvre de Maurice Novarina, architecte prolifique et talentueux, auteur – entre autres - de 32 édifices religieux, parmi lesquels l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateau d’Assy en Haute-Savoie qui intègre des œuvres de Léger, Matisse, Chagall, Braque et Rouault.
Saint-André se présente comme une grande maison comportant 4 murs, et un simple toit à double pente porté par de discrets portiques métalliques. Tout dans le dessin respire une certaine retenue, et la silhouette comme les matériaux ne sont pas sans évoquer cette architecture de montagne sans fioriture, construite avec des matériaux « vrais ». Il n’y a rien à enlever dans la composition ; le débord du toit est précis, l’équilibre des volumes est juste, les tuiles plates parlent à l’appareillage régulier des pierres. A l’intérieur, l’espace est libre de tout poteau intermédiaire et la lumière extérieure est filtrée par deux bandes de vitraux placées sur les allèges de pierre des longs-pans, œuvre de l’artiste Elvire JAN (1904-1996). Sur le mur du chœur, le sculpteur Louis Chavignier (1922-1972) a réalisé un magnifique Christ en bois dont la silhouette toute entière, d’une très grande pureté, invite naturellement à une certaine élévation spirituelle. Au sol un opus incertum de grandes plaques d’ardoise noire souligne une nouvelle fois la modestie  du lieu.
Bâtie en 1956-1957 avec des moyens financiers limités – c’est les villageois eux-mêmes qui ont construit l’édifice - l’église n’avait pas été dotée de clocher. En 2007, soit 50 ans après son édification  et au terme d’un concours public, c’est le projet de Patrice Novarina – le fils de Maurice – qui est retenu. Trois années plus tard, le nouveau clocher affirme son élégance et sa modernité. Placé à distance respectueuse de l’œuvre originelle, il se présente comme un campanile d’une très grande finesse, constitué d’une structure tridimensionnelle  élancée, en acier inox, qui culmine à plus de 25 m de hauteur. L’architecte évoque « le contraste qu’il a voulu instituer entre la belle épaisseur des murs de cette église (notre condition terrestre) et le simple élancement de la structure raffinée de son campanile (notre besoin d’élévation spirituelle – le mystère de la foi)." 
Merci à PN et CN pour cette découverte et leur amitié.

samedi 12 mai 2012

Veinard(e)s !

On a (presque) tout changé à droite...

Bréhat


La brume glisse, silencieuse, sur la mer
Déposant, avec une prudence obstinée,
Un voile de tulle sur un paysage de granit rose scarifié,
Et d'embarcations éparses postées en sentinelles
A l'entrée de la Chambre.


Sur les franges du rivage,
Elle - la mer encore - en d'indolentes caresses,
Va et vient comme hésitante,
Sur la surface dure rongée de lichens,
Des rochers lourds et ajustés,
D'une cale ancienne,
Orpheline à cette saison,
Des cris et des rires des enfants de la maison.

Et il n'y a, dans cet air chargé d'une bruine légère,
Que le murmure calme de cette eau insoumise.

Par instant, le silence presque irréel est rompu
Par un emballement de cris d'oiseaux marins
Qui emplit l'air d'un agacement primaire et cruel.

Puis la paix se fait à nouveau.
Une lenteur exquise donne la mesure
Au paysage humide qui dévoile, centimètre après centimètre,
Son intimité chaotique et vaguement lunaire.

Plus tard, la mer absente aura abandonné
Sa volupté, pour quelques flaques transparentes
A la surface desquelles le frisson du vent
Dessinera mes souvenirs d'enfance.

mercredi 2 mai 2012

Mon monde interrogatif

Avez-vous déjà appartenu à un parti, un clan, une congrégation, une troupe, un club, bref une association d’individus quelconque qui se crée au motif qu’on se sent moins con quand on est moins seul ? Pourriez-vous aller jusqu’à pratiquer la randonnée dans un club de célibataires ? Diriez-vous que vous êtes un bourgeois au sens marxiste du terme ? Etes-vous capable de dire que votre sort n’est pas enviable ? Regrettez-vous d’avoir chahuté certains de vos professeurs ? Vous souvenez-vous des aventures de Bob Morane ? Et des « rigolos » à la moutarde ? Et des truites aux amandes ? Pourriez-vous énoncer encore longtemps des sujets qui n’intéressent plus personne ? Savez-vous toujours écrire avec un stylo sur une feuille blanche, ou bien avez-vous définitivement adopté le clavier pour exprimer tous vos talents littéraires ? Aimeriez-vous tant voir Syracuse ? Avez-vous payé toutes vos cotisations ? Que pensez-vous du concept de « physicalité » ? Ne désireriez-vous par-dessus tout écrire un roman à succès de la vie d’El Campesino ?