mercredi 23 juin 2010

Panem et circences


La dernière fois que j'ai assisté à un match de foot (mais je crois que ça devait être la première également), ça doit remonter à près de 10 ans ; PSG-Nantes au Parc des Princes. J'avais réussi à me procurer 3 places quasiment "VIP" et j'avais amené avec moi deux enfants. Les gosses se faisaient un plaisir de participer à une telle fête. Je dois avouer que je n'ai jamais été un grand amateur de foot. Je lui préfère le rugby ; une tradition remontant aux années de lycée. Pour être honnête, je ne crache pas sur une belle retransmission d'un match du style Finale de la Coupe d'Europe, voire un Brésil-Allemagne ou un Argentine-Angleterre !
Ce soir-là j'ai observé le visage de la Haine. Et encore, nous n'étions pas dans les "virages" envahis par des hordes de barbares déchainés ! Quand un ballon sortait en touche, près de nous, pour les Nantais, il y avait toujours, dévalant les gradins, un ou deux excités qui se précipitaient au plus près du joueur - heureusement pour lui il y avait un fossé et des grilles métalliques dissuasives - pour déverser un flot d'injures et le menacer de mort ; lui et sa mère.

On va me dire que c'est un jeu. Mais je ne parviens pas à me faire à l'idée que tout ça est sans importance.
Aujourd'hui certains matchs se jouent à huis clos avec 600 CRS qui ceinturent le stade pour interdire son accès aux supporters ! Pour une finale de la Ligue, sur chacun des ponts au-dessus de l'autoroute A6 jusqu'à 150 km au sud de Paris il y a une camionnette de flics, et au péage les cars des supporters de l'OM sont parqués entourés d'une cinquantaine de gendarmes ! Je l'ai constaté moi-même.
Pour revenir à cet ultime spectacle in vivo dans l'arène de Taillibert, je me souviens également qu'à chaque fois que le gardien dégageait aux 6 mètres, sa course d'élan et son shoot final étaient accompagnés d'un énorme "enculé !" hurlé à l'unisson par tous les supporters du PSG.
Je me suis promis de ne plus jamais remettre les pieds dans un stade où se jouerait une compétition de foot ; de peur d'en repartir une nouvelle fois avec les postillons des barbares sur mes vêtements.
Vous comprendrez pourquoi je regarde ce "naufrage" de l'équipe de France comme un sujet annexe ; que les termes souffrances, débacle, cataclysme, catastrophe, humiliation, etc. qui fleurissent dans les commentaires, je les trouve indécents face à la vraie souffrance, aux vraies débacles, aux vraies humiliations que d'autres hommes doivent subir par la faute de l'égoïsme des nantis que nous sommes.

mardi 22 juin 2010

Comme la caresse timide des vagues


Il est minuit sur le Pont Neuf. Le vent glisse au-dessus d'une Seine noire et crépue comme le crâne d'un africain. Son souffle disperse les mots évadés des passants dont les ombres fébriles s'enfuient sur les dalles luisantes du pont. Parfois le regard mécanique de l'un d'entre eux semble interroger la nuit à la manière d'un aveugle désorienté. Des refuges circulaires accueillent des couples épuisés qui somnolent contre la pierre dans la lumière malade des réverbères. Sur les façades aristocratiques des immeubles grand-siècle, une fenêtre, une seule, est ouverte sur une indiscrétion ou la promesse d'une vie étrangère. La statue équestre d'Henri IV est accoutrée de néons. Le sceptre est bleu fluo ; quelle tragédie ! A ce spectacle, la colonnade de Perrault reste impassible ;la silhouette muette des toitures du Louvre aussi. Soudain, au pied de la Samaritaine, un feu d'artifices s'enflamme et, simultanément, l'obscurité blessée résonne du tintamarre absurde des sirènes de police. Et ce sac en plastique qui semble agoniser dans une mise en scène grotesque ! Vient jusqu'à moi le bruissement épais du vent dans les arbres posés sur la berge du fleuve, comme la caresse timide des vagues estivales sur le sable de la Côte des Basques.

dimanche 20 juin 2010

Loin du foot...

Lu dans le JDD de ce WE, ces quelques phrases d'Hubert Védrine, grand lecteur (je l'atteste : je me suis retrouvé avec lui à "l'Ecume des pages" et j'ai été impressionné par la quantité de livres qu'il achetait en une seule fois) ; phrases que je partage totalement.
"Il existe dans la lecture une lenteur et une densité nécessaires à la construction de l'homme.(...) Je crois qu'il faut réintroduire l'éblouissement de la lecture dans les vies d'aujourd'hui."
Parmi les auteurs qu'Hubert Védrine aime tout particulièrement : Marguerite Yourcenar, Albert Camus, Garcia Marquez, André Malraux, Irène Némirovsky (Suite française), Ed McBain, Paul Gadenne (les Hauts-Quartiers).

Tours jumelles de luxe à La Défense.


Bonne nouvelle pour nos gouvernants : y'a de l'argent ! Et du "lourd". Plus de 2 milliards d'Euros mis sur la table (c'est signé, craché) par un fond Russe, Mirax (non, ce n'est pas un mirage, encore que ...).
On nous rapporte donc ce matin que le deal pour la construction de 2 tours jumelles de 320 m de haut, et "de luxe", a été passé.
"Jamais les français l'auraient fait" (dixit Philippe Chaix, directeur général de l’Etablissement public d’aménagement de la Défense). Est-ce un compliment en ces temps où la France a du vague à l'âme ?
Ce monsieur (qui "semble fasciné" par le projet nous dit la dépêche) ajoute que "Ca apporte un nouveau concept, la grande tour mixte de luxe."

Pour ma part je considère ce projet comme un non sens absolu :
- sur le plan urbain (le site est juste à droite du pont de Neuilly quand vous allez sur La Défense), on ne verra plus que ces deux tours gigantesques sur la moitié de la perspective de La Défense
- la nature même du projet : un ensemble "de luxe" ; une arrogance supplémentaire ; la priorité est-elle là ?
Un fond russe...après la vente du siège de Météo France au Pont de l'Alma pour y construire une église orthodoxe, Paris serait-il à vendre aux "fonds" russes ?
Sur le plan purement plastique, je vous laisse juge...
A noter que le perspectiviste aurait pu se fouler un peu plus : ça fait intérieur de programme immobilier foireux sur la Costa Brava !


Ne vous inquiétez pas : le spa ce ne sera pas pour vous !

Surface : 250 000 m² dont 150 000 m² de logement, 35 000 m² d’un hôtel 5 étoiles, 30 000m² de bureaux et 35 000 m² de centre commercial comportant une salle de spectacle de 1 300 places, une galerie d’art de 1 500 m².

Tour A : 91 étages qui hébergent un hôtel cinq étoiles de 204 chambres (de très grand standing), un centre de thalasso et des appartements (de luxe)
Tour B : 89 étages qui accueillent des bureaux et des appartements (de luxe)

J'allais oublier : l'architecte, il s'agit de Sir Norman Foster... quand on vous disait que "jamais les français l'auraient fait !"...
Aux armes, citoyens !
PS1 : Mr Balkany doit être "vert" : il avait lui aussi un projet très vilain de "tours" à Levallois, mais les fonds provenaient d'un cheik (et pas d'un Chaix !) qui s'est avéré sans provision probablement ...
PS2 : Mirax, c'est ce même promoteur raffiné qui, il y a 3 ou 4 ans, avait mis en scène pour le MIPIM à Cannes deux jeunes femmes magnifiques déguisées en femmes enceintes, qui arpentaient l'entrée du Palais des festivals en poussant un landau, duquel émergeaient des maquettes de projets immobiliers tape à l'œil ! La classe.

samedi 19 juin 2010

De architectura et les idoles du sport !


Magnifique ce petit texte de Vitruve figurant au courrier des lecteurs de Télérama (N°3153). Non pas seulement par le lapsus du commentaire qui présente Vitruve comme un ingénieur (mais après tout, au 1er siècle ap JC, y avait-il cette différence - voire cette opposition - que nous mettons aujourd'hui entre architecte et ingénieur ?), mais surtout par le contenu du texte extrait de "De architectura" évoquant la disproportion des honneurs rendus aux athlètes par rapport à celui réservé aux écrivains, et que je m'autorise à reproduire partiellement ci-dessous (un régal !) :
"Non seulement ils reçoivent des louanges avec palme et couronne (...), mais encore, lorsqu'ils retournent dans leur cité, ils sont portés en triomphe dans des quadriges (...), et ils jouissent pendant toute leur vie de rentes instituées sur le fonds de l'Etat. Quand je constate cela, je me demande avec étonnement pourquoi des honneurs aussi grands ou même plus grands n'ont pas été décernés aux écrivains, qui rendent des services infinis, pour tous les temps à venir, à tous les hommes. Il serait d'autant plus digne que cette mesure soit instituée que les athlètes rendent seulement leur propre corps plus fort par leurs exercices, tandis que les écrivains perfectionnent non seulement leur talent et leur intelligence, mais encore ceux de tous les autres hommes ...

vendredi 18 juin 2010

José Saramago

J'avais évoqué dans ce blog, en quelques lignes (voir en fin d'article), le dernier livre de José Saramago, auteur portugais et prix Nobel de littérature 1998.
Il s'agissait d'une compilation des textes d'une année de son blog.
J'avais trouvé formidable la jeunesse de ce vieillard d'à peine 88 ans. Qu'est ce qu'en définitive que la jeunesse sinon la capacité, demeurée intacte malgré l'usure du temps, de se révolter et de s'enthousiasmer ?
Cet après-midi, alors que je prenais l'ascenseur, mon IPhone a "bipé" ; deux coups brefs. En général c'est un décès ou une catastrophe. Sur mon écran un message lapidaire : "José Saramago est mort". "José Saramago est mort" ai-je dit aux 3 personnes qui m'accompagnaient dans la cabine. Personne ne le connaissait. Remarquez, je n'ai pas à me vanter : je ne le connaissais pas il y a encore quelques mois !

Texte paru le 7 mars 2010
"Le cahier", qui reprend les textes parus sur le blog du Prix Nobel de Littérature 1998, le portugais, José Saramago, entre mars 2008 et mars 2009, entre dans la catégorie des livres dont la lecture est un bonheur. Ce Monsieur d'à peine 88 ans nous donne à espérer à chaque ligne : à un âge où la tentation de la résignation est courante, voilà un jeune homme encore révolté contre l'injustice (économique, contre les femmes, contre les palestiniens, ...), qui croit naïvement en la bonté, l'espoir, la solidarité ou la tolérance, et parvient à nous convaincre qu'il est possible de vieillir tout en conservant intacte les attributs mentaux de la jeunesse - et en particulier l'utopie et l'enthousiasme ! En cela, il n'y a pas d'hérésie.
"Si tu peux regarder, vois
Si tu peux voir, observe."

Sujets du bac philo 2010 (et leurs corrections)

- La recherche de la vérité peut-elle être désintéressée ? Rép. : pas toujours !

- Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ? Rép. : ce serait trop simple !

- L'art peut-il se passer de règles ? Rép. : "la contrainte est le marchepied du talent"

- Dépend-il de nous d'être heureux ? Rép. : non, il y a toujours des jaloux

- Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ? Rép. : qu'est ce qu'une vérité scientifique ?

- Le rôle de l'historien est-il de juger ? Rép. : et pourquoi pas ?

- Une vie heureuse est-elle une vie de plaisir ? Rép. : ni tyrannie du plaisir, ni éloge du sacrifice

- L'art peut-il se passer d'une maîtrise technique ? Rép. : bien sûr

Dictionnaire des idées perçues

A ce jour, 416 mots.
Les 5 derniers sont :
- Musée : on s'impose ceux qui sont au bout du monde et on délaisse ceux qui sont à portée de mains
- Musicien : potentiellement le plus heureux des hommes
- Musique : voir Mathématiques ; Peter Zumthor la place au-dessus de l'architecture
- Nations : sont-elles vraiment indispensables ?
- Navire : plus aristocratique que bateau

A retrouver sur le lien "Dictionnaire des idées perçues"
ou http://pergame-dip.blogspot.com/

jeudi 17 juin 2010

LOG de 1

(Inspiré d'une histoire vécue)
Votre enfant est en pleine révision de l'épreuve de mathématiques du baccalauréat et il ne parvient pas à retenir que Log de 1 = zéro. Rien n'est perdu !
Dites lui : "Quand tu vois Log(1), tu penses très fort à une personne que tu trouves nulle, car Log(1) = zéro !"
Chacun peut penser à qui il veut (même à l'auteur de ce blog !). Initialement, puisque "l'enfant" en question était amateur de foot, j'avais pensé à Mr. Domenech que j'avais mis en exergue (et en photo). Mais je me suis rendu compte que c'était trop nul de tirer sur une ambulance (merci Gérard !). Et j'ai donc changé mon texte d'origine.

mercredi 16 juin 2010

Comment j'ai liquide le siècle


La Chine va anéantir l'empire américain et tout le système capitaliste. C'est la conviction de Mme Krudson, la grande prêtresse de la finance mondiale. Pour pallier à cette fatalité, un seul remède : détruire le système avant que les chinois s'en emparent. Ce sera la mission qu'elle confie à Pierre, mathématicien génial, polytechnicien bien sûr, et trader vedette du Crédit Général (oui, le même que pour l'affaire Tréviel et dont l'ancien PDG était un dénommé Mouton...). Pierre, bien qu'acteur-profiteur de cette machine à enrichir toujours plus, porte un regard désabusé sur la salle des marchés, ses golden-boys incultes que seule la soif d'argent semble motiver. Sa vie privée est un désastre. Il est divorcé. Sa fille est anorexique, au bord du suicide. Sa vie sentimentale est réglée par une magnifique prostituée métis. Toutes les contingences matérielles sont assurées par un majordome pakistanais. "J'appartiens à une oligarchie motivée par l'ambition, avec le conservatisme comme idéal et la technologie pour rêve. J'ai la plus belle performance du floor. c'est tout ce qui compte, le montant du cash à l'instant t, la maximisation de mon gain individuel. Mon hédonisme est relatif : je n'ai aucune spiritualité ni conviction. je vis dans une bulle inviolable, dans l'ultra-présent. N'importe où et toujours seul."
Mme Krudson va lui confier une clé USB qui contient un programme algorithmique HK 2010 dont l'introduction et la multiplication dans les programmes financiers doivent déclencher une apocalypse financière.
Ecrit dans un style très simple, avec des phrases courtes (trop ?) et précises (souvent sujet-verbe-complément), ce petit thriller (le 2ème roman de Flore Vasseur) qui vous dénonce l'absurdité des dérives du monde de la finance se lit frénétiquement, avec beaucoup de plaisir.
De mon point de vue, il devrait figurer dans toutes les bibliothèques des grandes écoles - et en particulier de commerce.
En ces temps pré-estivaux, je le recommande aux baigneurs de l'île de ré, Biarritz, Saint-Palais et Royan (et aux autres bien entendu).

mercredi 9 juin 2010

Double rêve


C'est l'écoute du "Masque et la Plume" qui m'a incité à lire cette nouvelle d'Arthur Schnitzler écrite en 1925. Albertine et Fridolin forment un couple d'une trentaine d'années installé dans une vie conjugale que l'on peut qualifier de "sans histoires". La révélation par Albertine d'un désir amoureux sans lendemains amène Fridolin, médecin, a être saisi par la jalousie puis par le désir de fréquenter des univers interlopes (la prostitution, les soirées privées à thèmes érotiques, ...). Ce petit livre est passionnant ; l'écriture est fluide ; le scénario palpitant. Ce n'est pas par hasard que Stanley Kubrick s'est inspiré de l'histoire pour le scénario de son dernier film : Eyes Wide Shot
Sans compter sur l'image de la Femme qui, tout au long de ce texte, est mise en valeur.