vendredi 31 décembre 2010

The last surprise of 2010

Découvert ce 31 décembre, c'est sans doute un signe du destin !
Gageons qu'il fera honneur aux festivités insulaires prévisionnelles de l'été 2011...

Sukkwan Island



Jim a été dentiste à Fairbanks, marié et divorcé plusieurs fois, coureur de jupons invétéré ; il pleure la nuit et se lance dans des actions le plus souvent foireuses. Sa dernière idée : aller passer plusieurs mois seul avec son fils Roy agé de 13 ans dans une cabane isolée sur une île déserte en Alaska.
L'aventure va assez rapidement se transformer en une succession de galères car Jim est en réalité un vrai paumé de l'existence, immature, sans aucun sens pratique. David Vann, un jeune auteur américain d'une quarantaine d'années récompensé pour ce roman par le Prix Médicis Etranger, parvient à créer avec une écriture simple une tension dramatique où la folie s'installe progressivement dans un décor naturel, froid, forcément hostile pour un apprenti-sorcier et son fils innocent mais le plus lucide.
"Tu crois que tout est parti en vrille quand tu t'es marié avec maman ?" lui demande un jour Roy. "Non, c'est parti en vrille un peu avant, je crois. Mais c'est difficile à dire", lui répond son père.
Et sur Sukkwan Island, la vrille va se transformer en véritable cauchemar...

jeudi 23 décembre 2010

Indignez vous ! (pour ceux qui n'ont pas d'idée de cadeau à mettre sous le sapin : 3€ pour semer une graine)


Plutôt réjouissant de voir qu'à 93 ans on peut encore garder une capacité de révolte intacte contre certaines dérives suicidaires du monde.
Stéphane Hessel, ancien contributeur majeur à l'écriture de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, résistant, déporté, diplomate et philosophe nous livre dans cet opuscule d'une vingtaine de pages quelques raisons de nous indigner. Lui qui commence son propos en disant : "93 ans. C'est un peu la toute dernière étape. La fin n'est plus bien loin.", appelle les jeunes générations à prendre le relais et "à faire vivre, transmettre, l'héritage de la Résistance et ses idéaux."
L'instruction la plus développée pour tous, la liberté de la presse, une plus grande égalité sociale, l'intérêt général qui doit primer sur les intérêts privés, celui du monde du travail contre celui de l'argent, le traitement fait aux émigrés, autant de thèmes qu'Hessel souhaiterait voir se substituer comme préoccupations majeures aux seuls horizons proposés aujourd'hui à la jeunesse : "la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie générale et la compétition de tous contre tous."
Peut-être faudrait-il encore davantage de démonstrations, d'exemples de la nécessité d'une mobilisation en faveur de l'"insurrection pacifique" pour convaincre les indifférents ("la pire des attitudes").
Mais, selon le dicton: On ne peut pas forcer à boire un âne qui n'a pas soif !

mardi 21 décembre 2010

Purge


Prix Fémina Etranger, Purge est un roman dont certains passages sont "terribles", au sens douloureux du terme. L'histoire se déroule pour l'essentiel en Estonie, le plus septentrional des 3 Pays Baltes qui ont défié l'URSS en réclamant leur indépendance a la fin des années 80, avant l'écroulement de l'empire soviétique. Elle comporte de nombreux va et vient entre le passé et le présent qui lèvent progressivement le voile - jusqu'aux toutes dernières pages - sur les drames du roman.
L'histoire de l'Estonie - utilement rappelée a la fin du livre - est une suite d'invasions, d'occupations, de guerres de libération avec la cohorte des drames humains et des atrocités qui, inévitablement, les accompagnent. Des atrocités, le roman de Sofi Oksanen en délivrent au lecteur jusque parfois la nausée. Mais il n'y a ici aucune complaisance douteuse ou malsaine. La cruauté de certains faits rappellent que l'homme peut être un loup pour l'homme ; voire pire surtout si la victime est une femme...
Plusieurs thèmes traversent le roman et en particulier celui de l'amour-fou, de la jalousie extrême et du sacrifice. Le style s'adapte parfaitement aux variations d'intensité du récit qui navigue entre un passe lourd, complexe, et le présent très souvent d'une dureté absolue.
Il n'est pas possible de raconter ne serait-ce qu'un peu de l'histoire sans risquer de trop en dévoiler. Juste dire qu'un matin, une femme qui habite seule en bordure de la foret aperçoit dans son jardin un "ballot" qui "avait quand même l'air d'être de ce monde (...), il était de taille humaine.(...) Le ballot était une fille."
Extraits (pour la beauté du style) :
"Les rides avaient aspiré ses joues a l'intérieur de la boite crânienne, comme s'il avait le visage étroitement ligoté."

"(elle) fut projetée au milieu d'un groupe qui attendait a l'arrêt, au milieu des minijupes et des bas blancs des filles de bonne famille qui dégageaient a la fois une odeur d'innocence et d'avortement, leurs ongles rouges griffaient familièrement l'obscurité et l'avenir."
L'ambiance du livre est semblable par moments à celle de "Breaking the waves" de Lars Von Trier. Âmes sensibles : prudence !

lundi 20 décembre 2010

Tendance

Ne cherchez plus : offrez à Noël la tendance de l'hiver 2011 : le plastron en laine. Existe en de nombreux coloris.
Tient dans un attaché-case et peut s'enfiler très rapidement au restaurant afin d'éviter de tâcher sa cravate.
Utile également pour les gros baveurs.

Philosophie immobilière



Humour ? Cynisme ? Oxymore assurément.
Ci-dessous copie d'un bristol d'invitation à un Forum d'une des agences immobilières les plus importantes de la place. Le thème sera "Le sens des valeurs" et Luc Ferry en sera l'invité vedette... ("exceptionnel" !). Le même forum avait jadis invité Mr S. et l'an dernier Eric Orsenna (de l'Académie française) avait cachetonné ! On attend Allègre dans les années qui viennent !
Petit décryptage :
- valeur = valeur vénale (prix de base d'un immeuble) ou valeur locative (le loyer), ou valeur résiduelle
- sens : il s'agit essentiellement de l'olfactif (sentir l'argent bien que - soi-disant - il n'ait pas d'odeur)
Évidemment "Everybody Knows" vous fera un commentaire détaillé du message philosophique délivré par notre Mr. Ferry.

dimanche 19 décembre 2010

Veinards !

On a (presque) tout changé à droite !

Art et Ingénierie

Un avant-gout de la Fondation Louis Vuitton pour l'art contemporain qui est en train de se construire dans le Bois de Boulogne, en bordure du Jardin d'acclimatation.
Avant que l'œuvre architecturale soit parachevée et que les œuvres d'art ne prennent place dans les espaces imaginés par F.O. Gehry, l'architecte du Guggenheim de Bilbao et du Marques de Riscal, les ingénieurs se sont exercés également à quelques simulations complexes aux allures psychédéliques.

samedi 18 décembre 2010

L'homme qui aimait les chiens



Le 22 aout 1940, Ramon Mercader del Rio - alias Jacques Mornard, alias Frank Jacson - assassinait sur ordre de Staline le Proscrit Lev Davidovitch - alias Trotski, alias "Le Canard" - en lui transperçant le crâne avec le pic d'un piolet, dans sa résidence-forteresse de Coyoacan dans les faubourgs de Mexico.
Un soir de mars 1977, sur la plage de Santa Maria del Mare à la Havane, Ivan Cardenas Maturell, correcteur dans une revue vétérinaire après avoir été l'un des jeunes espoirs de la littérature cubaine, rencontre Jaime Lopez, un vieil homme d'origine espagnole d'environ 70 ans qui se promène sur la plage en compagnie de deux lévriers russes - des barzoïs.
Celui qu'Ivan va désigner comme "L'homme qui aimait les chiens" va bientôt lui raconter l'histoire dramatique de Ramon Mercader, son ancien ami, qu'il a connu pendant la guerre d'Espagne, et qu'il a revu à Moscou quelques temps avant sa mort. "Je t'ai demandé de venir aujourd'hui parce que je veux te raconter cette histoire, Ivan (...). C'est une histoire terrible."
15 ans plus tard, Ivan se décidera enfin à coucher sur des notes le récit qu'il a entendu de "l'Homme qui aimait les chiens".
Léonardo Padura, l'auteur d'un précédent roman splendide : "Les brumes du passé" (Cf article ante 17/10/10) , revisite une nouvelle fois l'Histoire et plus particulièrement le Stalinisme. Il met en scène la victime - Trotski - et son bourreau - Mercader -, tous les deux progressant vers un destin tragique partagé, totalement manipulé par un monstre dont ils seront deux victimes parmi des millions d'autres.
Le décor est immense, des confins de la Siberie au Mexique, en passant par les étapes de l'exil du "Canard" : la Turquie, la France, la Norvege. La fresque historique, avec ses accents picaresques, est d'une très grande richesse : la guerre d'Espagne ou Mercader accepte sa condition d'instrument fanatique, les procès truqués et sanguinaires de Moscou par lesquels Staline va tenter d'effacer la mémoire de ses crimes, la montée du nazisme en Europe ; toutes choses que Trotski doit se contenter d'observer depuis ses lieux d'exil, toujours plus marginalisé et calomnié par la propagande stalinienne.
Le roman - Padura insiste sur le fait que son récit est romancé bien qu'historiquement très bien documenté et fidèle aux évènements - est parcouru par une galerie de personnages qui sont tous, peu ou prou, des pantins pris dans le piège gigantesque d'une utopie détournée. "Cette histoire (...) C'était la chronique même de l'avilissement d'un rêve et un témoignage sur l'un des crimes les plus abjects jamais commis, non seulement parce qu'il affectait le destin de Trotski, après tout concurrent de ce jeu pour le pouvoir et protagoniste de nombreuses atrocités historiques, mais aussi celui de millions de gens entraînés - malgré eux, bien souvent sans que personne ne se souciät de leurs désirs - par le ressac de l'histoire de la folie de leurs maîtres déguisés en bienfaiteurs, en messies, en élus, en héritiers de la nécessité historiques et de la dialectique incontournable de la lutte des classes..."
Mais ce "gros" livre (670 pages) va bien au-delà de la simple condamnation d'un système dont Padura a du subir les affres à Cuba pendant de longues années ; il traite, en particulier, de la compassion (qu'Ivan, après en avoir refusé l'idée, finira par accepter) et de la peur qui représente le véritable frein à une vie digne et choisie. Le vécu (matériel et intellectuel) misérable à Cuba, notamment dans les années 90, est également replacé dans cette perspective historique.
Le récit est servi par un style précis, en parfaite symbiose avec le bouillonnement de l'histoire, trempé à l'encre de la mélancolie et du regret, sans jamais versé dans le pathos.
Un roman formidablement humain ! Magnifique.

A paraître le 6 janvier.
A l'occasion de sa parution, les Editions Métaillé organisent des rencontres avec Léonardo Padura à Paris entre le 2 et le 9 janvier.
Merci infiniment à PLC qui se reconnaitra s'il vient jusqu'ici ; et à mes amis APG et SG sans lesquels je serais dans une ignorance littéraire encore plus abyssale.

mardi 14 décembre 2010

L'homme qui aimait les chiens

La brume glaciale devora le profil des dernieres chaumieres et la caravane penetra de nouveau dans le vertige de cette blancheur angoissante, sans horizon, ou rien n'arretait le regard. A ce moment Lev Davidovitch compris enfin pourquoi, depuis l'origine des temps, les habitants de cet apre coin du monde s'obstinaient a adorer les pierrres."
Leonardo Padura

jeudi 9 décembre 2010

On a tout changé !

Un coup d'œil à droite : on a tout changé (veinards !)

Fondation Bemberg

Mr Bemberg est un humaniste de 93 ans, qui dispose d'une fondation exceptionnelle abritée dans le plus bel hôtel particulier de Toulouse, l'hôtel d'Assezat édifié dans la seconde moitié du 16ème siècle par un riche négociant de pastel.
Héritier d'une famille luthérienne originaire de Cologne qui fit fortune en Argentine, Georges Bemberg a constitué une collection d'oeuvres d'art (peintures, sculptures et mobiliers) absolument unique, et ce depuis le jour où, à l'âge de 19 ans, il faisait l'acquisition d'une première gouache de Pissaro.
La Fondation Bemberg possède la plus grande collection privée de Bonnard (plus de trente).
Il faut arpenter les salles et les couloirs de cette superbe demeure à la muséographie un peu sommaire, et puis se laisser porter par cette succession de chefs d'oeuvre. Une vierge à l'enfant de Carpaccio, une présentation au temple de Tintoret, une Vénus et Cupidon de Cranach, un immense fauconnier de Véronèse, un portait d'homme de Lotto, une collection de portraits flamands du 16ème, une collection (forcément)impressionnante d'impressionnistes (Vuillard, Signac, Renoir, Sisley, Caillebotte, Monet, Pissaro), une nature morte de Fantin-Latour tellement belle que le qualificatif de "morte" est une injure, un de Vlaminck aux accents "cézanniens", Toulouse-Lautrec, Picasso, et puis, étrangement Rouault.
Une fondation à déconseiller aux personnes sensibles au syndrome de Stendhal.
Une merveille !



Et oui ! Il faut faire un effort !

Que de neige ! Que de neige !

Alors que l'avion s'apprêtait à amorcer sa descente vers Paris-Orly, il était possible d'admirer ce matin la mosaïque verte et brune de la campagne française. Et puis, subitement, à l'avant de l'aile, s'agissait-il d'une illusion d'optique ? Tout était blanc et, ce qui était extraordinaire, c'était cette démarcation extrêmement précise entre la terre enneigée et la terre "vierge". Une ligne parfaite comme une cicatrice sur cet immense plan-relief.
Hélas, je n'ai pas saisi sur mon IPhone4 cette sorte de méridien météo ! Sauf à me trépaner (et encore !), il m'est donc impossible de vous le servir. Mais, sympathiques comme vous l'êtes, je vous fais quand même profiter de quelques vues lors de la descente.



lundi 6 décembre 2010

La Défense ou l'Offense ?


Je ne parviens pas à trouver une légitimité au projet de ces deux immenses tours jumelles plantées au pied du Pont de Neuilly ; ni urbaine, ni architecturale.
Sur le plan urbain, elles déséquilibrent totalement la perspective et masquent le skyline de La Défense qui est constitué, à cet endroit, d'objets relevant d'une échelle toute autre. On va dire : "oui, mais la Tour Eiffel, objet métallique porteur d'un imaginaire industriel, est bien plantée au milieu d'un quartier minéral et bourgeois !".
Réponse : la précaution urbaine, la politesse
1) par rapport à la Seine (un certain retrait servi par la légèreté de la volumétrie et sa transparence)
2) par rapport au quartier lui-même (une perspective, une esplanade, un dégagement, et non un empilement)
3) la Tour Eiffel n'est pas un symbole de la richesse d'une minorité, mais celui d'une ingéniosité française.
Sur le plan architectural, quel "sens" donnent aujourd'hui ces édifices prétentieux à la ville ?
Ces deux tours ostentatoires réservées aux riches constituent le symbole d'une sorte d'insulte au peuple des gens ordinaires.
Notre société est-elle réduite à investir exclusivement pour des arènes festives, des musées élitistes ou des gratte-ciel de luxe ? N'y-a-t-il pas mieux à faire ?
Ce qui est étonnant, alors que l'on bavarde sur "Le Grand Paris", que l'on disserte sur la Seine, ses berges à reconquérir, etc., c'est qu'aucune voix de référence ne se prononce sur l'incongruité de ces érections mortifères (au sens où elles témoignent de la fin d'une civilisation). Aux armes, architectes !

dimanche 5 décembre 2010

Au commencement était la mer


Signalé et même encensé dans un des derniers suppléments littéraires du "Monde", "Au commencement était la mer" est un roman qui traite de la désillusion ; celle d'un couple jeune, J. et Elena, qui choisissent de "fuir une certaine forme de rationalité avilissante, aussi stérile que le pétrole, l'arrivisme ou le béton." Ils quittent Medellin pour une propriété au bord de la mer. Mais cette nouvelle vie, en résonance avec la nature, s'avère rapidement ponctuée de difficultés (la saleté du logement, la cuisine détestable de la femme du contre-maître, le troupeau qui "végète", les recettes qui ne viennent pas, etc.). Et puis il y a "les autres", les gens du village, ses employés, qu'Elena a toujours eu du mal à supporter et dont elle s'est fait autant d'ennemis.
Viennent les désillusions, les fuites occasionnelles à la ville pour J. ou dans le lit d'une maîtresse "d"une volupté abyssale", et qui sombre progressivement dans l'alcoolisme à grands renforts de bouteilles d'aguardiente ; petit à petit une tension s'instaure au sein du couple ; elle se traduit par des coups de haines et des indifférences. Viennent aussi les bûcherons "des hommes au regard mauvais" et enfin Octavio, le nouveau contre-maître inconnu des villageois et sorti de nulle-part qui annonce la fin tragique...
De Tomas Gonzales, l'auteur, la 4ème de couverture indique qu'il représente "le secret le mieux gardé de la littérature colombienne".
"Au commencement était la mer" est son 1er roman traduit en français.
Excellent moment de lecture.

Les Bons Enfants à Saint-Julien du Sault



Ce soir les reliefs tranquilles de la campagne sont comme pétrifiés sous une couche de neige épaisse et têtue. Le route est déserte. A la campagne, quand il fait froid, et que les risques de verglas sont réels - comme par exemple, des plaque assassines à l'entrée des bois - chacun reste bien au chaud chez lui.
Tant mieux, car il nous est ainsi plus facile d'obtenir, un peu au dernier moment, une place pour diner aux Bons Enfants.
Ce blog s'est déjà fait l'écho de ce lieu de félicité gastronomique. (cf 19 mai 2010).
Aujourd'hui encore nous confirmons : il existe en effet, très probablement, peu de lieux comparables sur cette planète qui conjuguent tout à la fois : excellence du contenu de l'assiette, soin attaché à la présentation des plats, attention du service, chaleur du cadre, sympathie d'un patron passionné et cultivé ; le tout pour un prix plus que raisonnable (28€, entrée + plat + fromages + dessert).
L'apéritif qui, jadis, était compris dans la formule, est proposé désormais pour un supplément prohibitif de 2€ ! Ce qui peut constituer presque un affront à l'encontre du verre de vin ou de la coupe de champagne - toujours choisis - et aux délicieuses gougères chaudes et parfumées qui l'accompagnent.
François-Pierre Lobies, le patron, nous fit le plaisir - dans cette maison, il s'agit de plaisir et non d'honneur - de nous proposer de goûter un Tokay Pinot gris vendanges tardives de la maison Frick dans un millésime 2002 ; une robe couleur miel clair, une douceur équilibrée, une rondeur ajustée et une belle longueur en bouche. Merci pour cette découverte.

Précisons que le choix, dans chacun des plats qui composent le menu, doit s'effectuer parmi trois ou quatre suggestions. C'est vraisemblablement l'acte le plus redouté du repas ! Car, comment privilégier le foie gras maison plutôt que les tempuras de gambas, la joue de bœuf braisée et sa poire pochée plutôt que la tête de cochon croustillante ? Cornélien ! Ah, la joue de bœuf braisée ! Comment se fait-il qu'il n'existe pas encore de Chemins de Compostelle envahis de pèlerins gastronomes qui mèneraient à cette joue, tendre comme celle d'un bébé, précisément fondante, galamment accompagnée d'une sauce tellement goûteuse qu'il serait coupable de ne pas l'épuiser jusqu'à la dernière larme ? On a à faire ici à quelque chose qui se situe entre la promesse de bonheur et l'échantillon du paradis !


Une recommandation concernant le vin : faire confiance au patron qui, en fonction des plats choisis - et vraisemblablement de l'idée qu'il se fera des convives -, vous dénichera toujours la bouteille à petit prix qui vous enchantera (à moins que vous n'exigiez un cru prestigieux et une addition de seigneur).
Nous nous régalâmes donc d'un Cairanne déclassé, siglé "Vin de table de France" de chez Marcel Richard dans des cépages Cyrah (55%) et Grenache (45%).

C'est promis, la prochaine fois, nous réserverons dans la salle Kimura (du nom du chef japonais) pour une fête supplémentaire !

vendredi 3 décembre 2010

Nagasaki


Tiré d'un fait divers réel qui s'est passé au Japon - une femme a vécu plus d'un an cachée dans la maison d'un célibataire avant que celui-ci commence à avoir des soupçons - Eric Faye, qui a obtenu le Prix du Roman de l'Académie Française, a écrit un livre court mais riche de questions sur une société contemporaine qui impose à certains de se cacher pour survivre "condamnés à errer dans un entre-deux de l'existence", qui a perdu jusqu'à "l'idée de sens (qui) a été inventée par l'humanité pour mettre un baume sur ses angoisses". Alors contre cette "farce", "cette pièce de théâtre absurde" à laquelle les plus fragiles finissent par être condamnés, "il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé."
Relation intime et indicible de l'homme aux lieux de son passé, survivance d'une mémoire permanente attachée à des espaces de vie même s'ils ont été détruits ; ce livre doit parler profondément à tous ceux pour qui visiter un lieu désaffecté où subsiste les traces ou le souvenir d'une vie antérieure (usines en déshérence, maison abandonnée,...)déclenche dans leur imaginaire toutes sortes d'émotions.
J'ai en particulier le souvenir d'un très ancien lieu de culte sur l'île de Bréhat avec une chapelle et un lavoir, désormais colonisé par une nature barbare, où furent condamnés à l'isolement des centaines de pestiférés ; il me semble que leurs âmes torturées - ou quelque chose y ressemblant - subsistent dans l'arbre au tronc difforme dont les branches et les racines envahissent le lieu.

mardi 30 novembre 2010

Extension du domaine de la lutte


En refermant ce premier roman de Houellebecq je me suis souvenu de la recommandation du tout récent Prix Goncourt adressée à ceux qui souhaitaient découvrir ses livres, de respecter l'ordre dans lequel ils avaient été écrits.
On peut en effet considérer "Extension du domaine de la lutte" comme une mise en bouche des "Particules élémentaires", lesquelles développent une fulgurance cynique que "La carte et le territoire" a fait évoluer en un regard distant d'analyste tiède et incertain, celui de l'écrivain maudit presque assagi (presque repenti ?).
Quid du prochain ?

Juste un extrait de "extension du domaine de la lutte" : "Depuis des années je marche aux côtés d'un fantôme qui me ressemble, et qui vit un paradis théorique, en relation étroite avec le monde. J'ai longtemps cru qu'il m'appartenait de le rejoindre. C'est fini.".

dimanche 28 novembre 2010

Le rêve des chevaux brisés


Calista est une petite ville inventée du Midwest qui pourrait exister tant elle est comparable à un grand nombre de ces villes du Midwest qui ont connu l'essor industriel de l'après-guerre puis un déclin tragique. A Calista il y eut donc de grandes familles richissimes, des gangsters, des évènements troubles, des faits divers sinistres ; et en particulier l'assassinat au fusil d'une femme magnifique, Barbara Fulraine, ex-épouse du magnat local de la sidérurgie, nymphomane sous psychanalyse, et d'un de ses jeunes amants, Tom Jessup, professeur d'éducation physique. Le drame eut lieu dans un motel minable dans lequel les deux victimes se retrouvaient régulièrement pour assouvir les fantasmes de la belle. L'affaire ne fut jamais vraiment élucidée. A l'époque, David Weiss était enfant et habitait Calista. Cet assassinat bouleversa sa vie : ses parents se séparèrent, son père se suicida, il du quitter Calista.
26 ans plus tard, alors qu'il revient dans cette ville couvrir un procès en tant qu'illustrateur (il est l'un des plus grands dessinateurs de portraits robots), il est toujours hanté par cette histoire. Et il va se mettre à rechercher la vérité...
William Bayer, l'auteur, nous entraîne dans une histoire palpitante peuplée de personnages décrits (dessinés ?) avec beaucoup de talent, où le sordide n'est jamais loin des beaux quartiers, où les traumatismes de la petite enfance dictent les névroses et les fantasmes de l'adulte, le tout pimenté de scènes érotiques brûlantes et "tenu", au fil des 490 pages du roman, par un vrai suspens.

samedi 27 novembre 2010

Zapping 2

Le Monde date du dimanche 28 et lundi 29 novembre 2010.
Difficile de trouver de quoi se réjouir !
Nathalie Kosciusko-Morizet, Stefan Rahmstorf, Serguei Tsapok, Nancy Huston ; 4 personnes que le hasard du "Zapping" réunit.
La 1ere, 37 ans, ministre de l'écologie, polytechnicienne, bien née ; une photo sur laquelle elle a des allures de princesse d'un autre siècle, beauté hiéraldique ; elle défend farouchement des causes indéfendables (pas celles de l'écologie ; celles des turpitudes de son patron).
Serguei Tsapok est un chef de bande russe dont les exactions viennent d'être stoppées ; l'individu et sa bande ont semé la terreur dans une ville des environs de Sotchi (viols, assassinats, rackets, tortures,..) pendant 5 ans, en toute impunité. Vous voyez qu'il ne faut pas désespérer !
Stefan Rahmstorf est professeur d'océanographie physique a l'université de Postdam. Il est le x ieme scientifique sérieux a nous prévenir que bientôt, il sera trop tard pour agir car l'inertie du système est comparable à celle du Titanic : l'iceberg est repèré, mais si on ne manœuvre pas immédiatement et avec énergie, le "paquebot Terre" heurtera l'iceberg et ce sera la catastrophe ! Il y en aura toujours pour crier a une théorie du complot quelconque...
Nancy Huston est une écrivain d'origine canadienne et qui, devant un tableau du Caravage, vient d'avoir une révélation : le rôle de l'artiste "est de voir le bien et le mal, de les donner à voir, de les comprendre." Elle ajoute : "une des forces de l'art est d'ébranler nos certitudes". Je comprends parfaitement pourquoi certains ne s'intéressent absolument pas à l'art !
Bon, voila un zapping plus optimiste que le No1 ! 2 femmes (l'avenir de l'homme ?) nous y aident.

vendredi 26 novembre 2010

Poésie

Le mur est jaune.
La théière est muette.
Les verres sont renversés.
La télévision est éteinte.
Le jardin est habillé de neige.
Le froid règne sur les douves.
Le silence est suspect.
L'homme s'interroge.
Le monde va.

Enterrement

Une messe d'enterrement. La cérémonie religieuse fait penser à la chanson de Cohen, "The Future", dont le refrain dit :

"Quand ils disaient REPENTISSEZ-VOUS REPENTISSEZ-VOUS
Je me demande ce qu'ils voulaient dire".

Le prêtre avait des mots qui avaient des prétentions à être sacrés et qui ressemblaient a des chandeliers en plaqué or ; tout était faux ; ne sonnait pas juste. Dommage.
Pas pour les mots, les mots avec de la matière humaine que les proches du défunt ont prononcé. L'homme au-dessus du sacré. L'homme comme valeur suprême. C'est profondément ça que ces mots de douleur, d'amour exprimaient. Pourquoi la religion ne parvient-elle pas à la hauteur ? Elle finit par désespèrer l'humanité.

dimanche 21 novembre 2010

Intelligence constructive



























Mais qu'est-ce que ça peut bien être ? A quoi ça sert ? N'est-ce pas un pléonasme ? Faut-il s'y intéresser ? Quelqu'un l'a-t-il déjà rencontrée ? Est-ce que ça rapporte gros ? N'est-ce pas dépassée ? Y a-t-il un avenir pour elle ? Faut-il s'en méfier ? Encore un "concept marketing" ? Est-elle réservée à une minorité ? Existe-t-il un "Que sais-je" ? C'est dans Wikipédia ? Se reconnait-elle au premier regard ? Est-elle vitale ?
Petit exercice : un "intrus" s'est caché dans ces exemples d'intelligence constructive ; à votre avis ?

On change tout (ou presque) !

Un coup d'œil à droite ; on a fait un effort : on a changé la pluspart des photos et des textes. (veinards !)

jeudi 18 novembre 2010

A quoi a bien pu servir la Révolution ?

Lu dans les petites annonces du Figaro daté du 9 novembre :

"Le comte
Anatole de COUSSINEAU de BOURBONNET
et la comtesse, née Marie-Chantal de PRADEL de LANAZE,

le comte
Thibault de CREUX du BRAIZE
Mme de CREUX du BRAIZE
née Marie-Philomène CRUCHOT

sont heureux d'annoncer
les fiançailles de leurs enfants

Constance et Alban"

On se pince. Au secours les Visiteurs ! Non, on est bien en 2010, et il y a encore des nostalgiques de la perruque poudrée, des laquais, des gueux et des vilains !

J'ai un faible pour les nobles, je l'ai toujours avoué. Je démasque le port de la chevalière aux armes familiales sur des doigts habitués aux gants beurre-frais à plusieurs mètres à la ronde.
Ah, cet air blasé et condescendant, comme livré en pâture à tout interlocuteur non aristocrate !

Je vous épargne - non, je ne vous épargne pas - sur la même page des prénoms à attraper des douleurs abdominales pendant plusieurs jours :

"Quitterie, Bertille, Pierre-François, Nikolett, Aurore, Maxence, Allénor, Côme, Wandrille, Marie-Adélaïde, Marie-Priscille et une incontournable Ségolène! "

J'arrête, c'est insupportable, je n'en peux plus : ces douleurs abdominables ! (tellement je me marre).
Prolétaires et gueux de tous les pays, unissez-vous !

mardi 16 novembre 2010

Cette fois c'est bon !

Deux ans tout rond que j'ai ouvert cette fenêtre sur l'inconnu !
Et je ne parle pas là, seulement, d'un hypothétique paysage extérieur ; car quand on écrit, que l'on met en forme, qu'il y a cette application à placer les mots dans un espace ouvert sur le monde avec la volonté, conjugué au désir, d'accomplir un texte, un vrai, un regardable, un exposable, en réalité, l'inconnu est au fond de soi et certainement pas dans un espace éloigné ; étranger intime ou intimité étrangère...
Je me souhaite donc un très bon anniversaire. 2 ans : je marche, j'ai quelques dents, je suis propre, je parle quelques mots, l'avenir m'appartient en quelque sorte !

La banquier anarchiste

Etrange petite nouvelle de Pessoa où le grand auteur portugais s'exerce à manipuler le paradoxe avec une maîtrise redoutable ! Le vrai anarchiste est bien entendu lui-même ; et il n'a que dégouts pour les banquiers, mais aussi pour ces anars en théorie, ces anars qui courbent le dos, incapables de se libérer par eux-mêmes, impuissants à créer autre chose qu'une dictature tyrannique.
Tout se passe à l'occasion de la fin d'un diner.
"Au fait : on me disait l'autre jour qu'autrefois vous étiez anarchiste...
Que j'ai été, non : je l'ai été et je le suis toujours.(...) Je suis anarchiste."

dimanche 14 novembre 2010

Zapping

Il ne semble pas exister d'autres alternatives aujourd'hui que de ceder au "zapping", tant le flot d'informations qui nous parvient est semblable a un torrent en cru charriant, sans distinction, des debris ou des pepites ; le regardeur du monde est comme un spectateur installe sur l'une des rives du cours d'eau agite - on choisit la gauche ou la droite - tentant de saisir dans le flot bouillonnant quelques objets particuliers dont il va tenter d'en reconnaitre la substance entre deux submersions et un naufrage definitif (la duree de vie - de passage - est dramatiquement courte, de plus en plus courte avec le debit du torrent qui ne cesse d'augmenter avec le temps).
Everybody Knows tente une nouvelle rubrique, inspiree par la lecture du "Monde", lequel recele quotidiennement des "pepites" qui m'enthousiasme a chaque lecture et me font croire, qu'apres avoir parcouru la trentaine de feuillets - toujours en commencant par la derniere page - l'individu que je suis a present vaut un peu mieux que celui de tout a l'heure.
Donc, zapping-selectif avec le numero date de ce samedi.
5 personnages : Sansar Chand, Felix Gonzales-Torres, Marion Bergeron, Vincent Jacob et Asia Bibi.
Le premier est un "dealer de tigres", un parmi les affreux de l'humanite, dont la fortune s'est faite dans le traffic du fameux "Tigre du bengale" dont l'extinction semble irreversible a court terme tant la cupidite d'individus tels que ce Chand parait sans limites, encouragee par une demande d'origine chinoise ; le penis de tigre, mijote en soupe, aurait des vertus aphrodisiaques ! A l'occasion de son proces, un juge formula cette sentence terrible : "Vous vendez la peau des tigres et des leopards ; demain vous vendrez celle des etres humains."
Felix Gonzales-Torres est plus innocent car sa specialite c'est le bonbon. Ne pensez pas qu'il s'agisse d'un confiseur ; non, l'individu est artiste et plutot extremement bien cote puique l'une de ses dernieres oeuvres - un tas de 90 kg de bonbons intitule "Portrait de Marcel Brient" - s'est vendu 4,5 millions de $ ! C'est tres dommage pour l'art contemporain. Le commissaire-priseur aurait pu avoir cette sentence : "Aujourd'hui vous vendez des bonbons, mais demain, de la m... pourrait aussi bien faire l'affaire !"
Marion Bergeron a ecrit un livre : "189 jours dans la barbarie ordinaire". Elle n'est pas ecrivain, mais a Pole Emploi elle a juste pris des notes tant le systeme lui est apparu violent et absurde, le quotidien effrayant.
Vincent Jacob a connu un autre quotidien, tout aussi absurde et effrayant ; mais lui, c'est du cote des marches financiers que cet ex banquier d'affaires l'a cotoye. Il le denonce dans une tribune ou il rappelle quand meme que c'est env 25% du PIB qui a ete perdu par les pays du G20 (on ne parle pas des autres) suite au dereglement de la sphere financiere, et l'OCDE estime que c'est 325 milliards de $ qui n'iront pas a des investissements prioritaires comme le developpement humain ou la lutte contre le changement climatique !
Enfin Asia Bibi, 37 ans, chretienne et mere de 5 enfants, a ete condamnee a mort par pendaison pour avoir "blaspheme". Ca se passe au Pakistan.
Cupidite, absurdite, precarite, inconscience et fanatisme ; on tentera un prochian "Zapping" plus gai !

samedi 13 novembre 2010

J'aime les maisons habitées par les livres. Je ne parle pas de celles qui veulent paraitre sous domination littéraire - comment la littérature peut-elle asservir, elle, instrument essentiel de la liberté ? - ou les murs constituent comme un vertige d'étagères fourrées d'ouvrages alignés comme a la parade. Je veux parler de celles ou les livres sont partout chez eux ; des "livres de compagnie" comme on le dirait d'un chat : sur la table de chevet, au coin d'un meuble de salon, en piles improvisées sur le plancher, en attente d'un passage attentif sur une marche d'escalier, en compagnie de whiskys choisis sur une desserte encombrée, jusque sur la table de la cuisine humant une promesse de plaisir. Et quand, en plus, un feu crépite dans la cheminée, et que les fenetres autorisent toutes les indiscrétions sur un territoire marin ; alors, il me semble que de telles maisons donnent une idée assez juste du bonheur.
Merci a ceux qui m'ont inspire ce petit texte et qui se reconnaitrons certainement s'ils parviennent jusqu'ici.

vendredi 12 novembre 2010

Tempete marine

Le vent qui s'emballe dans les frondaisons noires des pins centenaires ou dans les cimes odorantes des acacias aux troncs dépecés, libérant par rafales dans l'obscurité épaisse des branches massives, des soupirs puissants comme le souffle de l'homme qui s'exerce à de terribles efforts ; la mer qui blanchit et s'affole sacrifiant des hordes de mercenaires dans une rage d'écumes ; la voila donc qui résonne dans le secret de mes sens ; voila son souvenir intact qui se réservait au plus profond de mon être et qui l'alerte à présent ; car sur mon ile la tempête, cette rebelle du temps, me fait l'honneur de sa visite, l'hommage d'une démonstration.

lundi 8 novembre 2010

Anniversaire


Dans quelques jours, précisément le 16 novembre, Everybody Knows aura 2 ans ! Pas mal !
Inespéré ! Une somme ! Une mine ! Et sans épanchements intimes ! Du régal de postérité ! Un amusement improbable pour descendants insomniaques ! Près de 400 articles au compteur ! Près de 1.000 en comptant le DIP ! Des lecteurs toujours plus nombreux (3 à 4 par jour) ! Des commentaires comme s'il en pleuvait (2 par mois aux périodes où Gérard n'est pas aux colonies) !
A vos cadeaux !................

Ravel


Cette petite histoire des dix dernières années de la vie du compositeur du Boléro constitue l'une des trois pièces de l'exercice que s'est imposé Jean Echenoz en écrivant sur trois personnages aussi différents que Zatopeck dans "Courir", qui ouvre le triptyque, Ravel dans le roman éponyme, et l'ingénieur NiKola Tesla dans "Des éclairs", qui vient de paraître.
Dans "Ravel", le personnage n'est pas un héros, un surdoué de la musique. Bien entendu il voyage dans le monde entier dans des cabines ou des wagons de première classe, il a certaines manies de star - plus de dandy maniaque d'ailleurs - mais c'est plutôt le quotidien d'un homme à la santé fragile, incertain, paresseux, déprimé, qu'Echenoz décrit. Les foules l'honorent et lui souhaiterait parvenir simplement à dormir plusieurs heures d'affilée la nuit !
Echenoz adopte un style très simple à l'image des petites choses de la vie avec lesquelles il compose l'univers d'un des plus grands compositeurs du début du 20ème siècle.
Très affaibli physiquement, mais surtout mentalement, Ravel à cette ultime révolte teintée de désespoir quand, sa gouvernante tentant de le réconforter en lui affirmant que "même s'il ne peut plus rien produire, son œuvre est là. Son œuvre est accomplie (...) elle est nombreuse et magnifique.", il lui dit "Mais comment pouvez-vous dire ça ? (...) Je n'ai rien écrit, je ne laisse rien, je n'ai rien dit de ce que je voulais dire."
Quelques jours plus tard il devait mourir après avoir subi une opération au cerveau. Il avait 62 ans.

Veinards !

Veinards ! Tous les lecteurs d'Everybody Knows sont des veinards car ils savaient, 15 jours avant le monde entier, que "La Carte et le territoire" serait le roman lauréat de l'assemblée du Drouant. Et si vous n'en croyez pas vos yeux, remontez le temps et consultez les premières impressions du dénommé Pergame du dimanche 24 au soir ! Bande de veinards !

dimanche 7 novembre 2010

Installation d'Ai Weiwei à la Tate Modern de Londres



Imaginez que vous découvrez d'une passerelle un peu en surplomb, une étendue d'environ 50m de long et 20m de large constituée d'une multitude de petits granulats de quelques centimètres de longueur (3 ou 4), de couleur uniforme, parfaitement étalée sur le sol de l'ancienne salle des machines d'une usine électrique reconvertie en musée d'art contemporain, et vous aurez une idée de ce que le visiteur découvre en pénétrant dans la grande nef de la Tate Modern. Il s'agit d'une installation gigantesque de l'artiste chinois Aï Weiwei qui est constituée de plus de 100 millions de petits objets de céramique oblongs, sur la surface desquels des villageois chinois on peint des bandes noires imitant l'aspect des graines de tournesol.
Vu de loin, ce champ de "granulats" ne peut laisser imaginer que chaque élément est différent, qu'il a nécessité une attention particulière dans sa décoration ; bref qu'il est unique.
L'artiste explique qu'il a voulu travailler sur plusieurs thèmes :
- celui de la multitude constituée d'êtres chacun différents (métaphore de l'humanité)
- le nombre car il s'agit d'une image de la Chine avec son milliard de chinois, insaisissable, "tous identiques"
- l'artisanat (le processus de fabrication de ces éléments de céramique est extrêmement artisanal) et l'image que l'on a de la Chine : objets produits en masse, standardisés, de manière industrielle
- l'évocation du tournesol, plante singulière que Mao incorporait fréquemment dans le fond des portraits à son effigie
- la relation entre des paysans du fin fond de la campagne chinoise et un public occidental dont la vie et les références sont très éloignées
L'art en général a une fonction de représentation et, en particulier pour l'art contemporain, une fonction de réflexion, d'interrogation supplémentaire qui prend en quelque sorte la place réservée à la figuration dans les œuvres du passé.
Mais il serait faux de dire que l'art figuratif n'interroge pas et que sa représentation se suffit à elle-même. Les artistes d'hier n'ont jamais cessé de glisser dans leurs œuvres des secrets, des codes ou des énigmes. A l'inverse, on ne peut réduire l'art contemporain (et en particulier l'abstraction) à un questionnement et un processus mental.
Il est donc tout à fait possible d'avoir des émotions aussi fortes devant "La ronde de nuit de Rembrandt" ou devant un Rothko ; il n'y a pas d'incompatibilité.
Une autre œuvre de Weiwei vue à Venise en 2008 :

Maquette de demeure insolite et insulaire

En avant-première, un avant-goût d'un projet de pied-à-terre marin (d'après le dessin "La faille" de Claude Parent et les esquisses de ce dernier) :

"Lettre d'une inconnue" et "La ruelle au clair de lune"

Ces deux petites nouvelles sont associées à Amok (Cf ante) pour constituer un triptyque que Stephan Zweig dédie en quelque sorte à la passion dont le destin ne peut être que tragique.
Toutes les vies sont anéanties par la passion semble vouloir dire Zweig.
Pourtant, son suicide le 22 février 1942 à Rio ne correspond pas à l'issue fatale d'un processus passionnel. N'était-ce pas la peur, une désillusion immense, une absence de confiance en lui-même poussée à son paroxysme qui furent les moteurs de son acte définitif ?
Ces trois nouvelles sont magnifiques. Extraits :

"J'aimais ces ruelles des villes étrangères, ce marché impur de toutes les passions, cet entassement clandestin de toutes les séductions pour les matelots qui, excédés de leurs nuits solitaires sur les mers lointaines et périlleuses, entrent ici pour une nuit, satisfaire dans une heure la sensualité multiple de leur rêves. Il faut qu'elles se cachent dans un bas-fond de la grande ville, ces petites ruelles, parce qu'elles disent avec tant d'effronterie et d'insistance ce que les maisons claires aux vitres étincelantes, où habitent les gens du monde, cachent sous mille masques." La ruelle au clair de lune

"C'est à mourir, cet hôpital ; tout vous y est étranger, étranger, étranger ; et nous nous regardions comme des étrangères, nous qui gisions là, solitaires et mutuellement pleines de haine, nous que seuls la misère et les mêmes tourments avaient contraintes à prendre place dans cette salle à l'atmosphère viciée, emplie de chloroforme et de sang, de cris et de gémissements. Tout ce que la pauvreté doit subir d'humiliations, d'outrages moraux et physiques, je l'ai souffert, dans cette promiscuité avec des prostituées et des malades qui faisaient de la communauté de notre sort une communauté d'infamie..."
Lettre d'une inconnue

vendredi 5 novembre 2010

L'insomnie des étoiles


Le nouveau roman de Marc Dugain ("La chambre des officiers", "La malédiction d'Edgar") a comme décor un village d'une région agricole d'Allemagne à l'automne 1944. Un officier français, Louyre, astronome dans le civil, est à la tête d'une petite compagnie de militaires ; il a la charge d'occuper ce village. On est très loin de Berlin et du théâtre de l'effondrement du régime nazi. Les français découvrent dans une ferme isolée une très jeune femme, Maria, seule, affamée ; mais aussi, cachée dans une des granges, une caisse avec les restes du corps d'un homme qui a été brûlé, et dont Maria dit qu'il a été tué sous ses yeux. Alors que cette guerre a fait des millions de morts et que, régulièrement, des informations parviennent sur les charniers du régime nazi, Louyre va se concentrer sur ce seul crime ; d'autant qu'il acquiert rapidement la conviction qu'une relation existe entre le crime et un institut de convalescence proche qui semble avoir été vidé à la hâte de ses occupants et de tous ses meubles.
Quel terrible secret se cache derrière les murs de cet institut, dans le comportement étrange du maire et du prêtre, dans la disparition il y a plusieurs années de la mère de Maria ? Que contiennent ces lettres que la jeune femme remet à Louyre et qui lui ont été écrites du front par son père ?
Marc Dugain nous entraine dans une histoire de folies liée à "cette sorte d'hystérie collective" qui un jour, hier, il y a moins de soixante-dix ans, s'est emparée de l'Allemagne.
Une hystérie fondée, comme l'auteur le fait dire à Halfinger, le médecin psychiatre directeur de l'institut que Louyre va longuement interroger, sur une "conscience au service d'un certaine idée du bien", dans "le partage de (nos) convictions profondes étayées par des raisonnements sans faille (qui) donnait lieu à un moment de virilité exceptionnel qui aurait pu servir d'exemple à ce que doivent être les relations entre hommes."
Le personnage de Louyre est intéressant : un homme qui, bien que placé dans une position de supériorité acquise par son uniforme et son statut de "vainqueur", reste courtois, élégant, d'une honnêteté intellectuelle sans faille.
Un livre fort, servit par un très beau style qui évite l'emphase et le pathos, et qui se lit avec plaisir et gravité.

mardi 2 novembre 2010

Niels Lyhne


"Niels Lyhne" est un roman de l'auteur danois Jens Peter Jacobsen (184è-1885)qui exerça une influence si forte sur Rilke que celui-ci souhaita vivement le rencontrer : mais il était trop tard : Lyhne était déjà mort. Un autre écrivain et poète, Charles van Lerberghe dit de Jacobsen : "...n'oubliez pas de lire les romans de Jacobsen. Il est à jamais placé pour moi à côté de Flaubert, de Tolstoï, de d'Annunzio..."
Ce qui se dégage au terme de la lecture de "Niels Lyhn", c'est une grande sensibilité, une profondeur, une honnêteté, du courage et une immense tristesse...et l'envie de le relire, de le partager avec des amis.
"...au fond des choses, il y a cette lamentable vérité que l'homme est toujours seul", dit Niels au soir de sa vie.
A côté de ses relations amoureuses, souvent déçues, Niels affirme sans violence sa croyance en l'Homme : "Il lui fit entrevoir la force et l'indépendance que l'humanité acquérait si, n'ayant foi qu'en elle-même, elle cherchait à mettre sa vie en accord avec ce que chacun sentait en soi de meilleur et de plus élevé au lieu de s'en rapporter à une divinité quelconque chargée de contrôler ses actes."
Et jusqu'à son dernier souffle : "Si j'étais Dieu...je préfèrerais accorder le salut éternel à ceux qui meurent sans s'être convertis."

Sélection d'oeuvres de la Fondation Saatchi d'art contemporain