samedi 31 janvier 2009

Les Syrtes, la lecture et Paul Andreu

L'un des derniers petits textes de mon ami Gérard sur son blog, traite avec beaucoup de talents des émotions qu'il a vécu à la réception par la Poste d'un exemplaire du "Rivage des Syrtes". Je lui ai fait cette réponse.
"J'ai lu avec un intérêt gourmand et un sourire évident le réçit de ton odyssée préliminaire vers le Rivage des Syrtes. Le rite consistant à devoir découper avec précaution le tranchant des pages des livres des Editions Costi (ou est-ce uniquement ceux de Julien Gracq ?)offre des parfums de nostalgie bien agréables, mais également de préliminaires indéniablement sensuels. Tu as ainsi perçu l'incomparable odeur mêlée du papier et de l'encre, le toucher particulier des feuilles, l'infîme débordement de la couverture sur la feuille ; autant de détails qui résonnent en défintive comme un espace essentiel. On se plait alors à penser que tous les livres devraient nécessiter cette complicité préalable de l'invité que nous sommes, nous-autres lecteurs, au seuil d'une des maisons de l'écrivain : se saisir d'un coupe-papier et avec patience et précaution (respect serait peut-être mieux encore ?) engager la conquête pacifique de l'objet vivant, ouvrir avec la lame la boîte de Pandore, laisser échapper un premier parfum comme on le fait d'un grand cru, avec lenteur, le corps déjà absent du monde concret, l'esprit déjà présent dans le monde réel du roman."
Je poursuis avec deux choses que j'ai relevé ce matin dans ma lecture du "Monde". En 1er lieu, un article de la romancière Danièle Sallenave (dont j'avoue ignorer la production) traitant de son expérience durant une année scolaire dans un collège de Toulon, sur la question du rapport des élèves à la lecture. Je cite quelques unes de ses réflexions : (parlant du travail des professeurs) "Leur métier est aujourd'hui le dernier des métiers parce que les enseignants ne sont pas soutenus. On leur en veut d'être porteur d'une idée qui dérange : que gagner beaucoup d'argent, dominer l'autre, lui marcher sur le ventre pour "arriver", s'abrutir de foot-ball et de jeux télévisés, cela ne peut pas être un but dans la vie, et lui donner un sens." Evoquant les écoles privées, dans lesquelles vont les enfants des "villas", et les écoles publiques réservées aux enfants des "barres", elle dit : "Dans le collège privé, il y a une apparence d'ordre, d'autorité, de travail. Mais c'est une apparence. car les deux écoles vivent au sein d'une société qui ne croient plus à la force de l'art." Elle ajoute : "Ce qu'on appelle "culture" aujourd'hui ? Le patrimoine, son exploitation commerciale et touristique. Ce n'est pas de cela que chacun a besoin. Mais d'une rencontre singulière et profonde avec des oeuvres qui vont changer sa vie... Chacun, quel qu'il soit, quelle que soit sa place dans la société."
Et puis dans "Le Monde 2", je découvre que Paul Andreu, le "grand" architecte des aéroports (en particulier Roissy), de l'Opéra de Pékin, Polytechnicien et Ingénieur des Ponts, est en fait un enfant de Tsiganes, échangé accidentellement à la maternité ! Et qu'il vient de le révéler dans un livre "La Maison", qui vient de paraître. Magnifique ! Deux anecdotes au sujet de Paul Andreu : à l'occasion d'une rencontre organisée en marge de la biennale d'architecture de Venise sur le thème "Littérature et architecture", où étaient invités à dialoguer des couples d'architectes et d'écrivains, Paul Andreu était associé à Erick Orsenna ; parlant de ce que représentait pour lui l'architecture, il eut cette phrase que je trouve très belle et que j'avais notée : "Ce qui m'intéresse le plus dans l'architecture, c'est la poésie ; la prétention incroyable que nous avons à ajouter au monde". La 2nde anecdote, toujour à la même occasion, alors qu'on lui avait demandé de sélectionner des photos qui seraient projetées et qu'il commenterait, la 1ère photo projetée est un plat de spaguettis ! "Et oui", dit-il, "pourquoi pas un plat de spaguettis, ça vous étonne ?" Et de parler sur "la vie, la réflexion sur les flux, toutes ces choses qui nous passionnent, ne sont-elles pas à l'image de ces spaguettis, dont on ne saisit pas bien la forme, qui se mélangent entre eux, dont les extrémités se perdent, etc..." et d'ajouter enfin : "Ces spaguettis me sont sympathiques car, alors qu'aujourd'hui tout le monde s'évertue à rendre ferme des choses molles, les spaguettis eux, vivent l'inverse !"

dimanche 25 janvier 2009

Holocaust-Mahnmal de l'architecte Peter Eisenman





Berlin. Oct 2008. 2711 stèles se dressent, ombres et matières, sur ce champ de la mort, chacune à des hauteurs différentes (car les hommes n'ont pas la même taille), toutes identiques en apparence (car il ne s'agissait plus d'hommes), et toutes différentes quand on cherche bien (car il n'est pas facile de faire disparaître un homme) ; elles sont muettes bien sûr mais on peut leur parler, en silence, juste avec notre Mémoire. Est-ce de l'architecture ou bien est-ce (seulement ?) une expression artistique ? Non, c'est sans ambigüité une oeuvre architecturale car elle abrite un peuple.

Hello Papa Tango Charlie

Après réflexion, je préfère mettre ce "PS" avant le texte, car ce serait dommage que les lecteurs vélléitaires (il en existe !), frileux à l'idée de se lancer dans la lecture du texte qui suit la vidéo, ne profite pas de ce petit commentaire préalable à ce régal de clip.
PS donc : les hommes de goût reconnaîtront dans les danseuses toute la sensualité de Jane Birkin, de Dany, et de Nathalie Delon, dont j'étais éperdument amoureux bien entendu. Sensualité qui comble les quelques approximations (euphémisme) de leur synchronisation rythmique ! J'envie le déhanchement du regretté Mort Schuman, son basculement anthologique de buste vers l'arrière et ses petits sautillements qui font oublier le léger excès pondéral du chanteur anglo-saxon et néanmoins moustachu ! A admirer sans modération !

Je profite (encore !) de Contrastes et Lumière pour aligner quelques phrases et par là, quelques souvenirs. Ce fameux (mythique) café de la Place Saint-Augustin, plaque tournante des fantasmes du jeune héros du court métrage de Rohmer dont Gérard nous gratifie, est comme glissé au forceps sous la masse solennelle du bâtiment un peu pompier qui abrite le Cercle national des armées. La relation que j'ai avec ce lieu - je laisse le bar à Gérard et à Rohmer, et je m'empare de l'immeuble - date de plus de 30 ans ; ça devait être en 1973, sans doute en décembre. Comme chaque année, le 2ème ou 3ème samedi de décembre, la grande salle d'apparat du 1er étage est réservée pour le bal du Prytanée Militaire de La Flèche. Je suis en 1ère (classe dénommée "Rhéto", de "rhéorique" bien entendu, et bien qu'il n'y ait plus, à cette époque déjà, de filière littéraire au Prytanée, les classes de 1ère continuent à être appelées "Rhéto"), j'appartiens à la musique (la "Wouah" - chaque chose au Prytanée avait en quelque sorte un double, un avatar de schizophrénie qui permettait proablement à l'institution et ses institués de survivre malgré l'incongruité du système), j'y sévi en qualité de tambour, c'est à dire que lors des défilés, je marche au 1er rang à quelques mètres derrière le chef de clique - un adjudant bouffi dans son uniforme raccourci - qui bat la mesure, fait virevolter son bâton (il doit bien y avoir un nom pour cet instrument, je vais chercher) et le lance épisodiquement en l'air pour faire l'intéressant ; pour être précis, je suis positionné au 1er rang le plus à droite (c'est la seule fois de mon existence, je le jure !); le tambour major étant positionné le plus à gauche (l'armée m'étonnera toujours !). Le tambour major est aujourd'hui médecin psychiâtre à Paris : il ne s'en est toujours pas remis ! Ma digression musicale vous semble légèrement digressive ? Vous avez tort. En fait, avant de briller sous les ors de la salle d'apparat du 1er étage de l'institution augustine, nous devions réanimer la flamme du soldat inconnu sous l'arc de triomphe. Et oui, cher(e)s ami(e)s lecteur(e)s, songez, quand vous tournerez dans le flot des voitures autour de l'Etoile comme des balles dans un barillet de revolver (merci Julien Gracq), que j'eus mon heure de gloire et que je tentas, sans succès, de faire frissonner la dépouille du sacrifié inconnu aux accents lugubres de la sonnerie aux morts. Il parait que les associations de tout poil se pressent pour figurer sur la liste des élus qui paradent chaque jour sur le nombril de Paris, et qu'il n'existe pas une seule soirée de repos dans l'année pour ce pauvre soldat ! Donc, en récompense à notre exhibition élyséenne, nous avions le droit de participer au bal du Prytanée, et ce en toute dérogation puisque ce bal était théoriquement réservé aux seuls élèves des classes préparatoires aux grandes écoles de l'armée (St Cyr, Navale, l'Air et bien sûr l'X), et bien entendu aux anciens, les moins glorieux, puisque toujours en vie. Ce bal, les plus vieux de "la Wouah" nous y préparaient mentalement des mois à l'avance, nous faisant rêver à cette terre promise parisenne où la "chasse" était (officiellement) ouverte aux jeunes demoiselles de la Légion d'Honneur de classe terminale, triées sur le volet de leur bulletin de notes (plutôt que sur leur plastique), invitées par l'institution de La Flèche (72), à cette époque exclusivement masculine. Il s'agissait probablement d'une ultime tentative pour unir des jeunes filles de bonne famille à de futurs officiers propres sur eux et dans leur tête, avant que la vie civile ne prenne les jouvencelles dans les filets d'une perversion inéluctable. Donc nos ainés musiciens nous chauffaient, nous pressant de recommandations destinées à anihiler en nous toute forme de timidité, surenchérissant dans l'anecdote croustillante, nous menaçant des pires mesures de rétorsion si, d'aventures, nous devions rentrer "broucouille" de cette virée à la capitale.
Je ne me répendrai pas dans une description nostalgique des séquences grottesques auxquelles j'ai pu assister ; je ne résiste cependant pas à l'évocation de la giffle retentissante que notre copain "le Chinois" se prit à l'issue d'une tentative de rapprochement très rapproché d'une certaine demoiselle au nom brodé de particules, sous le regard goguenard de la troupe d'idiots que nous formions en tapisserie, et qui, dans un sursaut improbable d'humanité, recueillie dans ses rangs le pitoyable "Chinois", assommé de ridicule, et le consolat en forçant l'épaisseur du duvet disgracieux qui régnait au-dessus des lèvres de la jeune vestale, la rendant indigne d'une quelconque attention sentimentale, fusse-t-elle de l'incorrigible "Chinois". J'ai du sans doute tomber amoureux d'une de ces jeunes filles, en silence, incapable de me détacher de ma bande d'abrutis de peur d'essuyer des sarcasmes comparables à ceux infligés à notre audacieux camarade. Je livre seulement à vos orbites cruelles (encore !) le souvenir d'avoir envié pendant des heures le batteur de l'orchestre qui interpréta plusieurs fois le tube de l'année, "Hello Papa Tango Charlie", dont la virtuosité du tempo, le rythme syncopé de son charleston, autant que ses cheveux longs maintenus par un bandeau rouge aux accents apaches, raisonnaient en moi comme un parfum de liberté, une vision anticipée d'un Zabrisky Point comme une terre promise.

jeudi 22 janvier 2009

I left a woman waiting


Très librement inspirée de la chanson de LC, j'ai exhumé du ventre de la RAM de mon ordinateur ce poème que je livre à vos orbites cruelles.








I left a woman waiting

J’ai aimé une femme qui attendait.
Elle attendait sans espérance
Et ses mots parlaient au futur ou à l’imparfait
Du livre des apparences.

Nous avons traversé l’horizon
Et tenté de poser nos armes sur une île
Au bord du rivage des illusions
Mais sous le sable nos doigts ont encore écorché l’argile.

J’ai appelé le poète et il est venu
Mais ses yeux étaient déjà morts
Et dans sa nuit, seule mon enfance est apparue
Il était trop tard pour aller sur l’autre bord.

Au crépuscule un oiseau s’est posé sur son épaule
J’ai vu frissonner ses paupières
Mais ce n’était que le souffle de mes paroles
Qui sur ses cils se perdait en prière.

Alors j’ai quitté cette femme qui attendait
Et je suis allé à sa recherche sans crainte
Le long des rues, au bord des quais
Sur les pavés usés des amours défuntes.

J’ai retrouvé le miroir qu’elle avait brisé
Mes mains à nouveau ont serré ses mains
Mais depuis longtemps la foule nous avait encerclés
Et subitement son ombre a effacé le chemin.

J’ai aimé une femme qui attendait.
Elle attendait sans espérance
Et ses mots parlaient au futur ou à l’imparfait
Du livre des apparences.

mardi 20 janvier 2009

Nord Vietnam


Cette photo est un appat. Elle a été déposée "comme si de rien n'était", au détour d'un blog, avec l'attention perverse d'un Tzaroff, comme une mine antipersonnelle conçue pour être déclenchée par un lecteur naufragé à l'occasion de son passage à proximité. Voici déjà quelques jours que je l'ai identifiée. Comme un fauve attiré par l'odeur d'une proie trop visible, je rode autour avec une certaine méfiance. Je la renifle avec précaution. Je la taquine du regard. Pour l'instant ma prudence m'a épargné l'irréparable. Mais je sais que l'issue est inéluctable, fatale même : le prédateur succombera à la tentation de se saisir de cet appat facile, refermant sur lui le piège diabolique. Mais dans cette parade sauvage, il ne sera pas dit que l'animal ne tente pas, ultimement, une élégance, une sorte de baroud d'honneur, une dernière révérence, dont l'exercice emportera tout ensemble, et sa victoire dérisoire et sa faiblesse assouvie.
A la faveur de la nuit, le fauve s'est emparé de la proie et, autant de l'approche émanait une certaine noblesse, autant la conquête prend des allures de retraite, comme si, le but atteint, la nature authentique de la bête reprenait le dessus, effaçant le masque factice des illusions originelles. Mais observons l'animal se débattre de sa proie :

"Ce paysage, saisi en plongée dans la torpeur tremblante d’une après-midi voilée de soleil, bien qu'apprêté par le galbe fier des champs de riz, maquillé d'ocres sombres et d'angéliques fanées, ne parvient pas à dissimuler la sauvagerie rampante que l’histoire des folies de l’homme a inscrite sur son relief damné : derrière chacun de ses monticules herbeux, chacune de ses fleurs définitivement fauchées, aux extrémités désertées des arbustes timides, se terrent les cicatrices béantes d'un destin pétrifié, nourri des brûlures du napalm, engorgé de bombes au phosphore, jamais rassasié de membres amputés, hier, aujourd’hui, demain et encore plus tard, ici, là, toujours, toujours, et toujours.
Dans l’air épuisé de chaleur, l’écho sinistre des pales des hélicoptères bombardiers raisonne encore, pitoyables et impitoyables, entre les pentes sèches des vallées dréssées comme une camisole.
Dans une cache sous la terre, sous un buisson de tiges séchées, dans l’ombre d’un jour travesti en nuit, le souvenir absent d’une famille torturée.
Et puis la Conscience, l’indicible et tortionnaire Conscience du bien qui suinte de ces anfractuosités maudites comme les résidus bitumineux d’une terre définitivement polluée.
Nord Vietnam, autre terre de toutes les souffrances, terre qui peuple le cortège des terres abandonnées des dieux, terre de misère et de beauté, terre des longs cils noirs posés sur le regard des femmes désirées, terre des silhouettes pressées sautillant au rythme comique du balancier, terre des buffles luisant d’eau et de lumière, terre d’une aube peuplée de cris, terre du soleil qui s’immole sur les rochers d’Along, terre de la longue pirogue qui fuit sur l’onde muette, terre de l’oubli et du pardon."
Le fauve disparait dans les buissons. Le chasseur s'est assoupi. Nul ne vit la conquête. Le monde entier peut contempler le larçin.

Cadel Ubbale

dimanche 18 janvier 2009

Ibos et Vitart



Un texte à paraître dans '"l'Ingénieur Constructeur" sur la médiathèque André Malraux à Strasbourg des architectes : Myrto VITART et Jean-Marc IBOS

Dans une précédente chronique consacrée à Strasbourg, j’avais écrit : « la médiathèque d’Ibos & Vitart actuellement en fin de chantier, devrait marquer la production architecturale 2008.
Outre le dessin des façades qui, dans la production de l’agence, est toujours d’une très grande précision et d’une simplicité apparente qui rime avec élégance, le travail des bétons à l’intérieur du bâtiment - poteaux-champignons et empreintes des planchettes de bois sur la matière - est d’une beauté irréfutable."

Une année plus tard (septembre 2008), le bâtiment achevé tient toutes ses promesses, et l’ancien entrepôt Seegmuller peut être fier de sa reconversion en un lieu de culture pour tous, riche de 250.000 livres et de 160.000 références directement accessibles, mais riche également sur le plan architectural, tant dans l’intelligence de la relation à la mémoire du lieu que dans l’écriture contemporaine des nouveaux espaces.

Un peu d’histoire.
Comme le rappelle un texte inscrit sur la façade de l'entrée principale, c'est en 1902 que la société Seegmuller s'est implantée sur le Bassin d'Austerlitz, ancien Port de la Porte des Bouchers. En 1932, les architectes Umbdensbock et Weber réalisent un ensemble de bâtiments industriels sur ce qui est dénommé le "môle Seegmuller". L'activité de la société, qui dispose d'une flotte de chalands rhénans et de péniches de canal, cessera en 2000.

Une halle « lavée de son pittoresque »
C'est le bâtiment situé à l'extrémité du môle doté d'un silo à grains en guise de proue et d'un corps principal à usage d'entreposage des céréales, qui a été investi par les architectes Ibos & Vitart, dont le travail ingénieux de restructuration et d'extension a permis, tout en offrant le double de surface*, de préserver l’esprit de cette architecture « vertueuse » dont on perçoit, par le dessin d’une modénature précise et plein de retenue, ou l’utilisation de matériaux ordinaires - briques et bétons massifs - l'affirmation d'une vocation inudstrieuse.

Sur la très haute façade d’entrée, l'intervention des architectes s'est voulue minimale : quelques retouches de détail sur des ouvertures en partie basse et le choix d'une mise en couleur argentée de la totalité de la surface, comme une toile donnée au graphiste Ruedi Baur pour y imprimer les premiers textes d’un dialogue original entre littérature et architecture.

Pour reprendre l’expression des architectes, la halle de jadis a été « lavée de son pittoresque » (le remplissage en brique des longs pans), afin de ne conserver que l’essentiel et apporter un maximum de lumière jusqu’au cœur du bâtiment dont la profondeur est supérieure à 20 mètres.
La partie centrale (les entrepôts) a été rehaussée de 3 niveaux et allongée dans sa longueur ; cette extension restant dans l’alignement d’origine des façades, les planchers existants donnant le « tempo » des planchers nouveaux.
Tout le projet s’organise selon un process simple : le public entre par une extrémité et les livres par une autre ; entre les deux volumes d’extrémité, se situent les plateaux libres de lecture, lieux de rencontre entre le lecteur et le livre.

Un ruban rouge : fil d’Ariane ou dispositif freudien ?
Passé le sas d’entrée, le visiteur est immédiatement saisi par la beauté de l’espace dans lequel il se trouve : au-dessus de lui et sur une trentaine de mètres de hauteur, le volume évidé, pur, de l’ancien silo à grains, chaque étage étant souligné par une simple façade de verre toute hauteur laissant pénétrer la lumière et deviner l’activité des plateaux ; devant lui la perspective parfaitement réglée, sérielle, du grand espace public (accueil, cafeteria, consultation) zébré d’un ruban rouge qui contamine avec impertinence toutes les surfaces placées sur son parcours aléatoire.

Ce ruban, dont le cheminement a été créé au sein de l’agence elle-même, contribue à donner une unité à la médiathèque, à tisser le lien entre les espaces restructurés et la partie neuve, mais aussi à rompre avec fantaisie la raideur toute fonctionnelle d’un espace originel tramé, mathématique, sévère.

Dans les étages, plusieurs lieux sont remarquables.
Tout d’abord les salles de lecture de la partie ancienne : l’alignement des piliers massifs en béton coiffés de chapiteaux trapézoïdaux, avec leur peau grossière marquée des veines des planchettes bois du coffrage, confère à ces espaces une beauté archaïque ; la hauteur libre relativement faible, le dépouillement des surfaces (il n’y a pas de faux-plafonds et les sols sont en béton avec juste une résine), le réglage précis (quasi maniaque) des réseaux, la perception silencieuse de l’eau qui borde le bâtiment, tout concoure à apporter une impression de calme propice à la lecture.
Sur deux niveaux, on trouve dans la partie neuve d’autres salles de lecture, lumineuses, parcourues des reflets de couleur du ruban rouge, et des paillettes dorées du sol de la salle du patrimoine installée dans un écrin de verre, comme un élément précieux au centre du dispositif.


Le soin apporté aux détails est omniprésent : les réservations dans les poutres béton semblent tracées au laser, les modules rectangulaires des châssis de façade ont été calepinés afin de ne jamais laisser voir les rattrapages de trame obligés d’une intervention dans l’existant, le dessin des raidisseurs de la double peau en inox poli miroir tient de l’orfèvrerie, jusqu’aux courbures des fils d’alimentation des plafonniers, dont la petite histoire retiendra que l’indication donnée aux ouvriers fut de copier sur la silhouette particulièrement galbée d’un mannequin célèbre…Les ouvrants pompiers ont été étudiés afin de se confondre parfaitement dans la trame de façade.

Au centre du bâtiment, à la jonction entre la partie restructurée et la partie neuve, les architectes ont installé les distributions verticales dans une mise en scène orchestrée par un « Chambord » métallique qui permet à cette trémie d’être très lumineuse.

Dans la médiathèque d’Ibos & Vitart, la technique et l’architecture ne se combattent pas ; elles s'épousent même, un peu comme pour le rouge et le noir de la chanson de Jacques Brel.


Un mot sur la signalétique et l’œuvre graphique de Ruedi Baur. Difficile de ne pas la remarquer tant elle est présente, contribuant à rappeler la mémoire d’un lieu assez fortement tagué avant sa rénovation, mais aussi respectant le mot d’ordre des architectes : «l’idée de la signalétique, c’est qu’elle ne constitue pas un élément intermédiaire ; tout doit appartenir à l’architecture ». Ruedi Baur a répondu avec zèle à cette contrainte, multipliant au sol, sur les murs ou sur les poteaux, des morceaux de textes dont sont extraits et mis en évidence les mots nécessaires à la signalétique, tandis que le reste de la phrase est en second plan, les lettres partiellement effacées.

Parmi ces textes, une citation inscrite sur un antique cadran solaire que je vous livre en guise de méditation : Tenere non potes, potes non perdere diem**. »


* 18.000 m2 SHON pour un coût travaux de 64 millions d’Euros HT

** « Tu ne peux retenir ce jour, mais tu peux ne pas le perdre. »

Uncle Bernie


Madoff, Bernard Madoff, « Bernie » voire « uncle Bernie » pour les plus familiers : le papi auteur de la plus grande escroquerie bancaire (révélée) à ce jour ; l’envie me démange d’écrire quelques mots sur l’individu.
Un « dossier spécial Madoff » dans Le Monde de ce week-end me titille « trop ». D’abord, lire ce dossier est un régal autant qu’une satisfaction personnelle. Je m’explique sur ce dernier point avant de développer le premier : je constate qu’un type comme moi, qui ne peut se prévaloir d’une quelconque compétence en matière de finance (tous mes amis peuvent vous le confirmer), dispose d’autant de bon sens que l’analyste américain des marchés qui dit : « Il est impossible de maintenir le même rendement (11% moyen NDR) pendant des années alors que les marchés évoluent quotidiennement. » Mes archives bloggestes peuvent attester de mon expertise.
2) Un régal
Je ne vais pas me réjouir du malheur des autres ; dans cette funeste affaire, certains laisseront peut-être leur vie en gage - ou leur vie tout court, ce qui est la même chose – (plusieurs se sont déjà suicidés), et un bon nombre de « pigeons » se dégarniront de leur plumage.
Bon, mais tout de même : dès 1999, un dénommé Harry Markopolos alertait les autorités de surveillance des marchés (la fameuse « SEC ») sur le fait qu’il avait tout compris de l’arnaque Madoff ; en 2005, il publie un document de 19 pages dont le titre est « Le plus grand fond spéculatif du monde est une fraude », dans lequel il suppose 2 scénarios dont, celui qu’il considère le plus probable, à savoir qu’il s’agit de la plus grande chaine de Ponzi du monde. Rien n’y fait : la SEC reste sèche ! Vous rigolez de ce jeu de mots, mais vous avez tort : dans tout ce bazar, les mots sont importants, et un peu plus d’attention à cet élément subjectif aurait peut être permis de démasquer l’escroquerie avant qu’elle n’atteigne les proportions dantesques que l’on connaît. Mais s’agit-il d’une escroquerie ou d’une bonne blague ?
En effet, arrêtons-nous un instant sur le nom de famille de uncle Bernie : « Madoff », ce qui signifie « hors de la folie » ; n’importe quel gusse qui va pour placer quelques centaines de millions de dollars - et surtout s’il est anglophone – doit être interpelé par ce patronyme et le fait qu’il peut s’agir d’un nom de scène doit lui venir à l’esprit ; « Madoff » et pourquoi pas « Securities » ? (remarquez, uncle Bernie avait quand même laissé quelques indices puisque son fond se dénommait « BMIS » avec « S » comme « Securities »). Vous confier votre argent à la banque « Sans souci », vous, ou à la banque «Confiance » ? Non, de toute façon, le mot « confiance » est un gros mot aujourd’hui !
Et ce Markopolos, vous croyez pas que ce type, pour qu’il ait un peu plus de crédibilité n’aurait pas pu porter un autre nom ? Ca fait pas sérieux ce métissage entre un aventurier spaghetti et un armateur grec ! Ca sent le Rastapopoulos ; comment voulez-vous que les types de la SEC s’y retrouvent ? OK, ça fleur bon l’exotisme et le vermicelle, Venise et l’empire du milieu, mais on est dans le sérieux avec la SEC et quand vous prétendez vouloir emmerder tout le monde avec un rapport démontrant par A+B qu’un papi, ex maître nageur, est en train de berner tout le monde (tiens : « Bernie », vous croyez que c’est une autre coïncidence ?) - et sans doute vous d’ailleurs, en tant que membre de la SEC qui avait placé votre pognon afin que ça « crache » un 11% dodu et que vous avez prévu d’aller au club Med à Haiwaï cet été avec les intérêts de votre compte Madoff - vous pensez pas que ce serait mieux de vous appeler comme tout le monde : Tapie, par exemple ?
Et « SEC » vous croyez que c’est un nom pour une assemblée de banquiers ? Ca fait pas riche ! Question : « Vous travaillez où ? » Réponse : « Je travaille à Sec. »
Moi je ne peux pas croire que cet « uncle Bernie » soit l’arnaqueur du siècle. On le voit en gros plan en page 15 du monde. Il s’extrait d’une foule d’admirateurs, suivi de près par une jeune et jolie asiatique (son assistante ?) ; il porte une veste de bonne coupe, matelassée, une casquette arborant (probablement) le sigle d’Emmaus (ou d’ « Action contre la faim ») qui lui cache un peu le regard ; quelques mèches argentées mi-longues ourlent délicatement le haut de son oreille et un petit sourire malicieux de papi-gâteau lui modèle de jolies petites faussettes. On sent l'homme de gout : ni Rolex ni Ray-ban ! Il n’y a pas besoin d’avoir fait 5 ans de psycho-morphologie pour savoir que ce type est plutôt de la trempe des héros de l’Amérique. Il a d’ailleurs un petit air « merci les potes, mais je préfère rester discret ; bien sûr je viens de poser un Airbus 320 sur l’Hudson, mais on va pas en faire tout un plat », ou bien « vous avez vu ? ils ont cru que le papi était fini : et bien je leur ai quand même mis 5 sous le par ! ».
Uncle Bernie va tout révéler à la CIA : il avait fait un pari avec des anciens de l’amicale des maîtres-nageurs du Queen’s, comme quoi il passerait à la télé. Et il nous a bien eu ! En fait il ne s’appelle pas Bernard Madoff, mais plus probablement Robert Fockyouser !

Le visage des femmes dans l'art

Quand l'intelligence, le gout et la technique s'associent, l'homme est capable de créer autre chose que des "hedge ou des feeder funds" !

Le rivage des Syrtes



Au loin, le Farghestan, très probablement...

Je viens d'achever le chef d'oeuvre de Julien Gracq. Je croyais l'avoir lu jadis et je suis certain maintenant qu'il n'en fut rien ; peut-être l'ai-je commencé et puis le tiraillement d'une frivolité récurrente l'a écarté de mes priorités du moment. Ce n'est pas grave. Les choses doivent arriver un jour plutôt qu'un autre. C'est un livre d'une densité extraordinaire. L'écriture est d'une richesse rare, exempte de dandysme. J'ai envie de dire qu'il s'agit de poésie. Les thèmes traités sont multiples : la fin d'une civilisation, l'autre-l'étranger, l'amour bien sûr, la relation entre la sagesse et la folie de la jeunesse, l'ordre, l'imaginaire qui permet de vivre, ... Le style me fait penser au travail d'orfèvre que l'on peut contempler sur certaines pièces incroyablement ciselées, représentant des scènes ou des motifs d'une imagination et d'une richesse quasi absolue. Certaines phrases sont d'une longueur immense (il est possible de s'y perdre), rythmées par des ":" ou des ";" qui s'agencent comme des poupées russes ; je n'ai pourtant pas senti "d'effets de style", mais plutôt la nécessité de "témoigner" de l'extrême densité des choses.
Je ne souhaite pas opposer "Le rivage des Syrtes" à d'autres livres - et en particulier des livres contemporains dont la lecture est plus "facile" - car pour moi, c'est une petite querelle qui n'a pas d'intérêt - et peut-être pas de sens - car, s'il est sans doute indispensable de lire des "classiques", comment peut-on imaginer, si l'on veut s'intéresser vraiment à son temps - ce qui constitue pour moi une règle d'humanité - ne pas tenter de lire une fraction du meilleur de la production actuelle ?
"Le rivage des Syrtes" est paru en 1951, a reçu le Goncourt que Gracq a refusé (En connais-tu la raison Gérard ?). C'est un livre à étudier, c'est évident. Mais toute oeuvre forte serait à étudier ; le temps est un incontournable accessoire. Pour avancer dans l'étude, j'ai trouvé un commentaire de Gracq qui, à la lumière de l'actualité, prend un accent particulier.
"Ce que j’ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage cles Syrtes, plutôt qu’à raconter une histoire intemporelle, c’est à libérer par distillation un élément volatil "l’esprit-de-l’Histoire", au sens où on parle d’esprit-devin, et à le raffiner suffisamment pour qu’il pût s’enflammer au contact de l’imagination. Il y a dans l’Histoire un sortilège embusqué, un élément qui, quoique mêlé à une masse considérable d’excipient inerte, a la vertu de griser. Il n’est pas question, bien sûr, de l’isoler de son support. Mais les tableaux et les récits du passé en recèlent une teneur extrêmement inégale, et, tout comme on concentre certains minerais, il n’est pas interdit à la fiction de parvenir à l’augmenter.
Quand l’Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939, elle dispose sur l’ouïe intérieure de la même agressivité monitrice qu’a sur l’oreille, au bord de la mer, la marée montante dont je distingue si bien la nuit à Sion, du fond de mon lit, et en l’absence de toute notion d’heure, la rumeur spécifique d’alarme, pareille au léger bourdonnement de la fièvre qui s’installe. L’anglais dit qu’elle est alors on the move. C’est cette remise en route de l’Histoire, aussi imperceptible, aussi saisissante dans ses commencements que le premier tressaillement d’une coque qui glisse à la mer, qui m’occupait l’esprit quand j’ai projeté le livre. J’aurais voulu qu’il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l’orage, qui n’a aucun besoin de hausser le ton pour s’imposer, préparé qu’ il est par une longue torpeur imperçue."

samedi 17 janvier 2009

Etre ou ne pas être cyndinique ?

Les rubriques nécrologiques sont pleines d'enseignements. Par exemple aujourd'hui j'apprends ce que signifie les Cyndiniques, avec un C majuscule. Il s'agit des sciences du Risque, avec un R majuscule. Je l'apprends car l'inventeur des Cyndiniques nous a quitté le 17 décembre dernier et qu'il n'y a pas moins de deux annonces sur une même page pour nous rappeler ce 1er anniversaire (?) d'une "disparition prématurée (qui) laisse orphelins l'IMdR (l'Institut pour la Maîtrise des Risques) et toute la communauté cyndinique."
Je poursuis ma quête de savoir à travers la lecture de l'éloge funèbre : "...il a magistralement théorisé les éléments qui fondent l'approche systémique de la construction des risques, dont particulièrement le fulgurant et synthétique concept de l'Hyper Espace du Danger." (sic).
J'arrête ma lecture et me demande si nous ne sommes pas entrés dans "l'Hyper Espace du Danger". Dieu ou Saint Pierre : pourriez-vous nous rendre cet illustre savant afin qu'il nous guide dans les travaux pratiques de sa théorie ? On aurait besoin de quelques éclaircissements . C'est trop tard ?

mercredi 14 janvier 2009

Y a-t-il un Monsieur Bos dans la "salle France" ?

Lu dans Le Monde daté du 15 janvier, article "Le chemin du postcapitalisme", des extraits du discours de M. Bos, ministre travailliste des finances des pays-Bas, à l'occasion du colloque organisé le 8 janvier sous le titre "Nouveau monde, nouveau capitalisme";
" Nous ne devrions pas penser que nous allons sortir du système seulement en ayant plus de régulation du profit et une meilleure supervision. (...) La société capitaliste a besoin d'une discussion sur un nouvel équilibre entre "nous voulons toujours plus" et "nous en avons assez", entre des gains excessifs pour quelques-uns et un énorme déficit pour les masses."
"La crise financière n'est pas le plus grave problème auquel fait face le système capitaliste. la crise climatique va progressivement devenir plus importante, et la crise alimentaire persiste, alors que nous n'avons toujours pas réussi à la régler. Ces deus crises sont bien plus fondamentales que la durabilité du capitalisme. Elles nous posent un défi moral immense, mais peuvent être intelligemment liées à la solution de la crise financière."

Je pense pour ma part que l'occidental le plus égoïste, c'est à dire celui qui fait passer son intérêt personnel avant tout, devrait aujourd'hui, s'il avait un minimum de bon sens, militer dans une organisation humanitaire.

Giancarlo di Carlo, toujours


"La mission essentielle de l'architecture est d'organiser et de former l'espace pour l'usage, de le confier à l'expérience tant individuelle que collective, de l'exposer aux outrages du temps. De telle sorte qu'il se patine, se stratifie, continue d'acquérir de nouvelles significations, jusqu'au point où il se met à dessiner et à se redessiner lui-même, comme de son propre chef, pour supporter et transmettre la plus éloquente des traces des évènements humains." Giancarlo di Carlo (Spazio e Societa oct-déc 2000)
Giancarlo di Carlo est mort en 2007. J'aime beaucoup cette approche de la mission (GdC ne dit pas "définition") de l'architecture : le temps est toujours le complice de l'architecture ; en bien ou en mal ; une architecture ne peut pas se construire dans l'urgence ; elle ne peut pas s'élaborer selon une séquence logique ; le doute est obligatoire autant que la contamination, que l'erreur ; l'architecture doit se frotter à l'échec ; elle ne peut s'abstraire de la leçon du temps.
Dans ce texte, l'architecture ne relève pas d'un ordre figé et muet, elle n'est pas une "chose", elle acquiert une "humanité" : elle vit (elle dessine) et elle se reproduit (transmettre)d'une manière autonome (de son propre chef). Quelle leçon !

mardi 13 janvier 2009

Monsieur S.

Monsieur S. ne veut plus des juges d'instruction. Je suis d'accord avec lui : ces types sont payés à chercher des poux dans la tête des honnêtes gens (les banquiers par exemple) au lieu de s'occuper des voleurs de poules.

Monsieur S. ne voit pas à quoi sert l'Assemblée Nationale ni le Sénat puisqu'il est bien plus simple d'appliquer des lois et (de tenter de) les faire voter après. Je suis d'accord avec lui d'autant qu'on peut se demander parfois, en regardant les retransmissions des débats, s'il existe enore des élus du peuple.

Monsieur S. ne voit pas bien pourquoi il y aurait une opposition en France puisque ce pays dispose d'un président visionnaire et qui a toujours raison. Je suis d'accord avec lui et en plus l'opposition est divisée en 2 clans qui s'opposent farouchement : le clan de ceux qui font tout pour qu'elle disparaisse et le clan de ceux qui vont rejoindre la majorité.

Monsieur S. ne voit pas pourquoi les finances publiques devraient subvenir à l'éducation des jeunes ; et pourquoi pas leur payer leurs consoles de jeu ? Je suis d'accord avec lui, les établissements d'enseignement publics sont des lieux de perdition où on peut rencontrer des individus issus de milieux très différents du nôtre, ce qui est beaucoup moins vrai quand les écoles sont payantes, encore moins vrai quand elles sont religieuses et encore, encore moins vrai quand les élèves ont un uniforme.

Monsieur S. doit se demander pourquoi il y a des pauvres et des chômeurs ; Je suis d'accord avec lui : s'il n'y avait plus ni pauvres ni chômeurs, nous serions tous beaucoup plus riches !

Monsieur S. doit se demander si la poésie, c'est bien sérieux et si ce n'est pas vraiment une perte de temps. Je suis d'accord avec lui, la poésie ne sert à rien et ne sert rien ; c'est tout son charme !

Dois-je l'écrire ?

2009 nous aura déjà appris au moins une chose : anus peut s'écrire aussi avec 2 "n" ; comme dans "Annus Horribilis" qui tend à devenir le qualificatif le plus usuel pour qualifier cette fin de 1ère décennie du 21ème siècle ; une chose est certaine : nous l'avons tous bien dans le c...!

Déchiffrer les nuages


C’est elle, ma grand-mère, qui m’a appris à déchiffrer les nuages. Souvent le dimanche, quand le temps s ‘y prête, c’est à dire quand le ciel est balayé par le vent d’ouest et que défilent au-dessus de la mer des hordes de nuages blancs turgescents, nous restons de longs moments l’un contre l’autre, installés sur la bande étroite de sable fin à nous montrer avec le doigt, ou simplement du regard, les silhouettes souvent grotesques des chimères grimaçantes que nos imaginations complices démasquent au gré des apparitions nuageuses. J’ai alors entre cinq et huit ans.
Aujourd’hui encore il m’arrive régulièrement de me perdre dans la contemplation solitaire de ciels comparables. Il m’arrive même d’exercer cette pratique sur des supports plus domestiques : le relief imparfait d’une dalle prise au hasard dans l’opus incertum d’un lobby d’hôtel, l’imprimé débridé du linoléum dans l’antichambre d’un notaire, ou les arabesques des veines d’un bois prétentieux sur la table lustrée d’une salle de conseil d’administration. Réapparait alors, sans effort, une profusion de créatures le plus souvent monstrueuses, que mon regard d’amateur se plait à reconnaître. Car je n’invente rien ; tout existe, juste derrière ce qui est.
Cette disposition à la contemplation que je me suis efforcé d’entretenir pendant de longues années – j’ai bientôt soixante ans – m’assiste fort agréablement aux moments où, saisi par l’ennui lors d’une fastidieuse réunion familiale ou par le dérisoire d’une des nombreuses manifestations professionnelles auxquelles ma fonction m’impose de participer, j’éprouve avec impatience le besoin urgent de l’absence.

Ces dimanches-là, nous restons ainsi de longs moments l’un contre l’autre. Ma grand-mère est assise sur une sorte de petit transat en toile, bleu rayé blanc. Elle porte un chapeau de paille jaune aux bords larges et essoufflés, garni d’un ruban bicolore. Je suis à genou sur le sable ; très souvent en maillot de corps et maillot de bain. Nous regardons le ciel au-dessus des cimes joufflues des pins parasol qui couvrent la montée à l’ouest, vers le fort. Nous guettons, complices, l’apparition du prochain cumulus ; une possible trogne avinée de soudard que nous reconnaitrons tous les deux, exultant à la même seconde. Ma grand-mère ne cesse de tricoter, avec des gestes précis, syncopés. Ce sera encore un pull jacquard aux couleurs primaires et criardes qu’elle m’imposera de porter le jour de la rentrée des classes.
A quelques mètres de nous, c’est déjà la grève que la marée découvre comme un territoire désolé, avec ses affleurements de rochers roses chargés de lourdes brassées de goémon luisant. La pierre est clouté de colonies de bigorneaux noirs et gris. Dispersés sur les flaques de sable résiduelles il y a ces cailloux assassins aux angles vifs.
Lorsqu’un grain survient, caché jusqu’au dernier moment par la colline boisée qui surplombe le port, nous courrons maladroitement dans le sable nous réfugier sous un grand rocher plat que la nature a providentiellement placé là pour nous abriter. Quelques secondes avant que l’orage n’éclate, le ciel a déjà déversé dans la mer toute l’humeur sombre de ses nuages coléreux. La surface de l’eau prend alors en un instant une teinte ultra-marine. Soudain les premières gouttes, lourdes, silencieuses, qui viennent grêler le sable devant l’abri. Et puis, tout s’accélère. Des trombes d’eau rebondissent sur la pierre formant tout autour de nous une drôle de cascade bruyante. L’air devient plus frais. J’éprouve un plaisir immense à être spectateur de ce déchaînement brutal du ciel. Il est évident que nous sommes coupables de ce déluge ; que certaines des créatures atmosphériques se vengent d’avoir été démasquées. Nous avons trahis. Vraisemblablement.
La plupart du temps – toujours ? - nous sommes seuls sur cette minuscule plage juste séparée de la cale n°1 par une avancée de rochers tâchés de lichens semblable à de la poudre de safran. La « vraie » plage c’est Le Guerzido, je le sais, mais nous n’y allons jamais ; probablement que sur l’île on ne mélange pas les domestiques avec les propriétaires et les estivants. Mais peut-être aussi que ma grand-mère ne souhaite pas y faire certaines rencontres ; sur l’île, il y a des rencontres qu’elle ne peut plus faire.
Cadel Ubbale

dimanche 11 janvier 2009

Quoi de neuf ? l'art !

J'avais envie d'inviter sur mon blog quelques oeuvres qui "me parlent" particulièrement. Ce n'est pas vraiment d'avant-garde, mais ...mais pourquoi l'abstraction ? N'est-ce pas le domaine de la liberté ? Peut-être plus d'ailleurs pour l'amateur que pour l'artiste lui-même. C'est le domaine de l'interrogation : positive quand l'oeuvre créé du lien, une émotion entre elle et son observervateur. Rothko, Soulages, Serra, Chillida ne me laissent rarement indifférent. J'aurais envie de m'oublier devant l'une de leurs oeuvres. Elles caressent le transcendental.


Mark Rothko

Chillida

Soulages

Rauschenberg

Pollock

Serra

Et pourquoi pas le mien ? (de crâne)



François Fillon a tranché : le crâne du philosophe René Descartes restera au Musée de l'Homme, avec ses potes (un australopithèque et le moulage du crâne d'un footballeur ; quel télescopage !),et n'ira donc pas au Prytanée Militaire de La Flèche qui en revendiquait l'exposition au prétexte que l'illustre philosophe avait été pensionnaire pendant 8 ans entre ses murs, à l'époque jésuites, bien avant que le goupillon ne le cédât au sabre.
Qu'à cela ne tienne : je suis prêt à proposer mon organe, et sacrifier mon intégrité post-mortem en substituant mon pariétal et ses voisins anatomiques au vénérable ossuaire cartésien. Il faut raison garder en la circonstance : il ne s’agit après tout que d’accepter d’exposer une partie de son squelette, vraisemblablement la plus noble, sur les bords du Loir, au pays des rillettes et du Vert Galant ! Bien entendu, et sans fausse modestie abusive, je dois convenir que je suis à l’heure actuelle un peu moins illustre que mon honorable ancien (bien que la messe ne soit pas totalement dite, et que je dispose, je l'espère, d'un peu de répit pour atteindre une quelconque - et néanmoins improbable - postérité !). Avec l'auteur du Discours de la Méthode, la seule chose avérée que nous ayons en commun, c’est d’avoir usé nos fonds de culottes respectives pendant de trop longues années, en un même lieu : sensiblement sous …degré de longitude Ouest et … degré de latitude Nord (je ne connais pas par cœur les coordonnées topo de cette sous-préfécture du 72). Une autre chose est certaine, c’est que je suis autrement plus sympathique qu’un René la Science qui, parce qu’il avait des insomnies liées à un transit intestinal défectueux –les historiens sont unanimes -, est parvenu à faire chier des générations de potaches avec ses grandes théories fumeuses, et qui plus est, à dresser des dynasties de premiers de la classe prétentieux qui vous rabattent les oreilles avec la question de la Méthode, la logique binaire ou le raisonnement analytique et ne sont même pas capable d’anticiper l’évidence, faute d’avoir inscrit dans leur programme génétique les mots rêve, poésie et humanité, l’évidence que l’Homme, configuré selon les préceptes du triste René, est le plus redoutable engin de destruction massive que l’histoire est jamais engendré.
Tout ça pour dire que mon crâne, même s’il ne jauge qu’un timide 58, pourrait être considéré avec attention par les membres dépités de l’association de soutien au rapatriement de la boîte cartésienne. Je propose donc de lancer sur le web une pétition pour le rapatriement (s’il vous plait après ma mort !) de mon crâne à La Flèche ; le reste de mon corps de rêve devant appartenir à la terre insulaire de Bréhat, comme chacun sait. Parallèlement à cette pétition, j’engage les signataires à souscrire massivement à la Fondation pour l’exposition du réceptacle de ma cervelle. J’envisage en effet, si ces types du Prytanée ont un peu de suite dans les idées, de soumettre ma venue partielle à la condition expresse d’être exposé dans une boîte de verre, sur l’autel baroque de la chapelle royale, en vis-à-vis du cœur d’Henri IV, qui se trouve bien seul depuis près de 4 siècles. Si la générosité devait être au rendez-vous, il serait convenable de réserver un peu de crédit au montage d’un petit son et image truculent, où l’on verrait mis en scène, sous le regard intraitable de mes orbites aveugles, les frasques croustillantes du bon roi Henri.
Je gage que ce spectacle raffiné réjouisse plus d’un touriste égaré qui s’obligeait à visiter les ores d’une église baroque estampillée trois étoiles. Là, je délire…
Nota : je ne connais rien à Descartes, et c’était juste pour causer !... Et voilà, pour se rafraîchir la mémoire (extrait de Wikipédia)et pour reconnaître que je suis très injuste avec mon pote René :


René Descartes, né le 31 mars 1596 à La Haye en Touraine, aujourd'hui dénommée Descartes, et mort à Stockholm dans le glacial palais royal de Suède le 11 février 1650, est un mathématicien, physicien et philosophe français. Plus qu'un penseur scientifique, cet observateur singulier en son temps, contemporain de Poussin, est considéré comme l'un des fondateurs de la philosophie moderne.

Sa méthode, exposée à partir de 1637 dans le Discours de la méthode, et développée par la suite, affirme constamment une rupture par rapport à la scolastique enseignée dans l'université, quitte à stigmatiser la méfiance ou la haine de courants pédagogiques : la réflexion cartésienne est devenue essentiellement rationaliste, alors qu'elle est d'abord une découverte de la liberté, intimement liée à la joie de penser et de modéliser à partir de l'entité simple, de l'élément connu en usant d'un supposé bon sens partagé par tous. La démarche est libérée de la contrainte du livre et de la référence savante. Construite sur le doute et l'observation, la méthode apporte joie et liberté au penseur Descartes. Le "je pense donc je suis" qui en est l'âme est aussi sa définition personnelle de l'âme.

En usant de la raison seule dans l'étude des phénomènes, Descartes fait figure d'apôtre de la modélisation scientifique. L'analyse ou anatomie minutieuse débouche sur une reconstruction, un véritable "comment ça marche", voire une cosmogonie palpitante. En dissociant la matière ou le corps machine de l'âme ou de la vie de l'esprit, le cavalier Descartes fonde une nouvelle métaphysique radicalement différente de l'ancienne qu'il fracasse, la charge ouvre notamment la voie à des penseurs de la morale, à un Malebranche et à pléthore de spécialistes des animaux-machines à l'époque des Lumières, ainsi qu'un surprenant christianisme épiscopal cartésien ou à des religions naturelles que sont le déisme et le théisme. Le méticuleux Spinoza qui a lu Descartes a pris ses distances.

L'évolution philosophique s'inscrit apparemment en prudente réaction au procès de Galilée qu'il soutient dès 1633, mais plus sûrement dans une quête des racines qu'il pense métaphysiques de l'arbre-tronc physique. Descartes a une influence considérable sur la pensée scientifique et religieuse, principalement en France et par conséquent dans l'Europe savante. L'impact cartésien concerne des questions théologiques et des ordonnances de gestion pratiques, de l'âme chrétienne jusqu'à l'arpentage en mille-carré du Nouveau Monde. On ne peut pourtant attribuer à Descartes l'entière paternité de la philosophie moderne, ni même de la variante cartésienne puisque ce sage jugeait nuisible un quelconque usage ou imposition politique de la philosophie.

On licencie dans l'édition américaine

En page 2 du supplément "Le Monde des livres", le réçit de 2 éditrices new-yorkaises qui racontent leur licenciement. J'extraie quelques passages de l'article.
"Les jeunes n'ont aucune mémoire de l'avant Google. Il ne leur vient pas à l'idée d'aller en librairie (NDR : ah, l'odeur des livres !). Ils fonctionnent différemment, n'ont que faire des critiques de livres ou des suppléments littéraires des journaux." (...)L'article indique que "le livre-papier connait sans doute ses dernières heures, et que "l'avenir est au livre électronique", et l'une des licenciées d'ajouter : "Vous partez en voyage avec trente romans et cinq guides dans un ordinateur de poche. Qui s'en priverait ?" (NDR : moi !) et "Ce sera excellent pour l'environnement (NDR : il est vraiment à toutes les sauces celui-la !), mais les bibliothèques disparaîtront" (NDR ; je note le "mais" !).
Je n"arrive pas à m'imaginer interdit de sentir le papier, de tourner les pages, de voir les livres sur mes étagères. N'est-ce pas le syndrôme du Mohican ?

Un écrivain fan de Cohen

Qui connait Olivier Adam, écrivain invité de France Inter ce dimanche matin et qui considère Cohen comme "le Maître" ? Pas moi, pour l'instant, mais ça ne saurait tarder !

vendredi 9 janvier 2009

En hommage à Cécile, ma fille, qui aujourd'hui a doublé le nombre des fanatiques de mon blog !


Juste pour faire plaisir à son papa

Poésie urbaine

Cette photo a été prise au pied des tours de la gare de Lyon, dans un espace végétal résiduel cerné par les voies de circulation automobile, livré à tous les vents et particulièrement aux courants d'air sibériens qui sévissent actuellement sur la capitale. Plutôt que d'y voir une dégoulinade de glace, j'y ai perçu l'effort savant, magnifique et muet d'élévation de cet arbuste solitaire qui s'applique, seconde après seconde dans un exercice de patience inhumain, à tenter de s'extraire de l'indicible attraction terrestre, depuis un tapis orné de millions de perles de verre luxueuses comme les perles d'un improbable caviar blanc irisé des couleurs de l'arc en ciel.

jeudi 8 janvier 2009

mercredi 7 janvier 2009

Après la guerre, la beauté

"Je restais tapi, le coeur battant, devant cette étrangère soudain livrée à la grâce trouble de son animalité pure. Les doigts s'attardaient, se ployaient dans les touffes souples, la tête renversée faisait de la gorge une averse pâle, tordait doucement les seins comme autour du manche d'un poignard. Elle ressemblait au tremblement qu'on voit à l'air au-dessus d'une flamme chaude. Pour la première fois, Vanessa s'était faite chair. Elle surgissait du reflux de mes rêveries fiévreuses, ferme et élastique comme une grève, faite pour la plante et la paume, une douce terre ameublie sous le fossé de pluie de sa chevelure."
p140 et 141 "Le rivage des Syrtes de Julien Gracq

No comment

Et avant d'aller me coucher, j'ai envie de gueuler très fort : HALTE A LA GUERRE !

mardi 6 janvier 2009

Mona Ki Ngi Xica, de BONGA

Bonga, découvert à Ouaga grace à Paul qui est aller chanter Mona Ki Ngi Xica ailleurs. Cet espace de blog lui est dédié.

lundi 5 janvier 2009

Encore une victime de la crise financière !














Ceci est une oeuvre du sculpteur farghestanais, Cadel Ubbale, performance hyper statique, strrructurrale et métaphorique de la crise financière dans laquelle les résidus (nous évidemment, symbolisés par gaines/boyaux et sphincters, tubes/organes de reproduction, contreplaqué/peau, fils de fer/cheveux, etc.) achevons, dans une ultime convulsion (désordre de la composition), notre misérable parcours terrestre (la roue de bicyclette) avachis dans le caniveau (que nous n'aurions jamais du quitter) puisqu'on nous avait bien dit et redit que le trottoir lui-même (métaphore de la réussite/angle supérieur droit gravillonné) nous était interdit (panneau) !

Neige sur Paris

Il neige aujourd'hui sur Paris.
Les berges de la Seine forment deux lèvres blanches
Entre lesquelles une eau sombre s'inquiète.
Des mouettes cruelles pourchassent en bandes fiévreuses
Les vapeurs glacées du fleuve.
Des arbres pachydermes aux membres trahis
Dressent leurs silhouettes pétrifiées
Comme pour s'échanger d'inavouables repentirs. .
Le ciel est si bas, si gris, si lourd
Qu'il grelotte la terre.
L'air frissonne de ces milliards de mondes minuscules
Qui s'épuisent sur le macadam.
Les passants ne passent plus ou bien seulement
Chassés, abandonnés de leurs ombres infidèles.
Il neigeait aujourd'hui sur Paris.

Cadel Ubbale

dimanche 4 janvier 2009

Sermon de saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées

Et si saint François d'Assise, le Francesco Bernardone, fils du riche marchand Pietro Bernardone, le "Poverello" qui a 25 ans quitta sa vie de débauche pour se mettre au service des plus humbles et des plus mésireux, miséreux lui-même, revenait aujourd'hui dans sa ville pour tenter de parler aux hommes, révolté qu'il est d'avoir appris depuis le paradis où il repose que la municipalité d'Assise a décrété au mois d'avril 2008 l'interdiction de la mendicité aux abords de l'église ? Serait-il plus entendu qu'il y a huit siècles ? Non, hélas, il n'y aurait vraisemblablement que les oiseaux pour l'écouter. Et qui sont ces drôles d'oiseaux qui sillonnent le ciel ? Des fusées ? La fusée Production à qui "François parle de tous les faux besoins qui, quotidiennement rabaissent l'homme" ; la fusée Cupidité "qui organise un univers dans lequel la jouissance d'un milliard d'hommes sera payée par l'indigence de huit milliards d'autres" ; la fusée Désespoir lancée dans sa course vers "le Grand Nulle Part. Lancée par des hommes et des femmes qui ont trop calculé et trop accumulé, (...) qui n'ont fait que celà".
Cette petite (91 pages) fable très simple ponctuée d'accents de révolte a le mérite, en ces premiers jours d'Annus Horribilis", de nous interroger sur le "toujours plus". Bien sûr si on devait suivre le sermon d'aujourd'hui à la lettre, nous reviendrions plusieurs siècles en arrière, et les thèmes des héraults de la décroissance sont (presque) derrière chaque phrase. Bien sûr, ça manque parfois d'analyse plus en profondeur (mais le lecteur n'est-il pas là pour bosser également ?)
Mais certains passages sont très beaux et donnent à réfléchir :
"Avant de savoir, de posséder, de se souvenir, il faut regarder (...) apprendre à habiter le monde pour qu'il cesse de nous apparaître étranger" (débat sur l'école dite "libre" par ex).
"(...)la rationalisation de la production, l'amélioration de la marge opérationnelle ne combleront jamais l'insignifiance et le vide d'une vie dédiée à l'adoration des taux de croissance" (si tous les traders du monde voulaient bien lever leurs mains de leur claviers).
"Ce qui a terrifié François de retour parmi nous, ce n'est pas la vanité de l'argent, du pouvoir et des plaisirs qui nous occupent - elle n'est pas nouvelle -, mais la mort de la Beauté." (quand l'art s'humilie à exposer des animaux tronconnés dans le formol).